Derrière la farce du G20, l'offensive des classes dominantes...

Depuis le début de la semaine, Sarkozy est aux Etats-Unis, à l’occasion d’une séance de l’ONU sur le climat, puis pour participer au sommet du G20 à Pittsburgh. Il en a profité de pour s’offrir, mercredi soir, par le biais d’une interview relayée par TF1 et l’A2, le luxe d’un « discours de New York aux Français ». Histoire, certainement, que personne ne puisse ignorer les combats qu’il mène pour « moraliser » le capitalisme : après celui de Londres contre les paradis fiscaux, celui de Pittsburgh contre les bonus…

 
« De Londres à Pittsburgh, les 200 jours du G20 » titrait justement Le Monde de mardi 22 septembre dans son dossier Leçons de la crise. L’article commente le degré d’aboutissement des 32 mesures annoncées en fanfare au G20 de Londres du 2 avril dernier. Qu’il s’agisse de « réguler le système financier international », de « réformer le FMI et la Banque mondiale », ou encore de « coordonner les politiques économiques », le bilan confirme ce qu’il n’était pas bien difficile d’avancer à l’époque : le sommet de Londres n’était qu’une façade, un bluff destiné à faire croire aux opinions publiques que les puissants de ce monde ont la volonté et les moyens de s’entendre pour mettre en œuvre les moyens de juguler la crise actuelle et de se prémunir contre les suivantes.
 
En réalité, il s’agissait, comme le disait Gordon Brown, d’apporter « l'oxygène de la confiance à l'économie globale et redonner foi dans l'avenir aux populations de tous nos pays »… pour mieux continuer une politique qui n’avait pas d’autre but que d’attendre la fin de la crise sans rien changer d’important, autrement dit sauver les profits et faire payer la crise aux populations et aux travailleurs.
 
Loin d’être une étape vers une coopération idyllique entre grandes puissances, le G20 de Londres était surtout un terrain sur lequel se jouaient, de façon feutrée, certes, mais bien réelle, les rapports de force entre puissances. Malgré la dégradation de leur situation financière et économique, leur endettement massif, la contestation de la place du dollar en tant que monnaie de référence internationale, l’enlisement de leur politique militaire au Proche Orient, les Etats-Unis en étaient sortis confirmés dans leur place de puissance dominante.
 
Le sommet de Pittsburgh, mis en scène par l’administration Obama, n’est qu’une nouvelle représentation de la même comédie. S’appuyant sur l’embellie financière, les Etats-Unis se veulent à la tête de toutes les initiatives. Sarkozy et les autres chefs d’Etats européens sont relégués au rang de dirigeants d’impérialismes de second rang. Et l’Europe est priée, par Obama, de réduire sa représentation au FMI, pour faire une place plus importante aux puissances « émergentes »…
 
Il ne faut pas être grand prophète pour dire que le sommet décidera de poursuivre la politique de soutien de la finance. Quant au problème des bonus, faisons confiance à ces bluffeurs professionnels pour donner le change en  préconisant de « limiter les bonus à un pourcentage du produit net bancaire quand ils menacent un niveau de capitalisation sain »... De la mousse pour tenter de masquer une politique entièrement au service des multinationales et des profits.
 
 
Les affaires reprennent comme avant… 
 
Si l’on en croit l’évolution de la situation financière, l’objectif non dit du sommet de Londres -sauver les profits et faire payer la crise aux populations et aux travailleurs- semblerait en voie d’être atteint. Les Bourses poursuivent une phase de croissance plus ou moins régulière depuis le mois de mars, le crédit recommencerait à circuler entre les banques et vers les entreprises…, tandis que chômage et régression sociale continuent à s’aggraver.
 
Cette « embellie » fait dire à certains responsables politiques ou économistes que la sortie de la crise est en vue, que, finalement, on en a exagéré l’importance… Mais beaucoup d’entre eux s’en inquiètent aussi, accusant les financiers de ne rien avoir appris de la crise, de faire en sorte que « les affaires reprennent comme avant », au risque de préparer une « rechute ».
 
C’est le clair aveu de leur impuissance. Tous les discours sur la « relance », la « régulation », la « nouvelle gouvernance mondiale » ne sont que du bluff destiné « rassurer l’opinion publique », c’est-à-dire à désarmer la contestation sociale qui naît de l’exacerbation des conséquences de la crise pour les populations.
 
Les mécanismes qui ont conduit le capitalisme à la crise actuelle ne sont pas à chercher dans un dysfonctionnement du système financier ou dans ses excès. Ils sont bien plus profonds, au cœur même du fonctionnement « normal » du système.
 
Au début des années 1980, le capitalisme international se trouvait en crise profonde, les taux de profits étaient devenus très faibles, l’économie menacée d’anémie. Pour en sortir, la bourgeoisie impérialiste a ouvert les frontières à la circulation des capitaux. Cela lui a permis d’implanter des usines, des filiales, dans certains pays pauvres et de profiter ainsi d’une main d’œuvre infiniment moins chère que celle d’Europe de l’Ouest ou des USA. C’est la politique des délocalisations, l'explosion des investissements directs à l’étranger (IDE), le développement des multinationales. Et du retour des profits.
 
La mise en concurrence des travailleurs à l'échelle mondiale a exercé une pression sur les travailleurs des pays riches qu'ont utilisé les patrons et les Etats pour lancer une politique d’attaques destinées à mettre fin aux « avantages sociaux » qu’elles avaient été contraintes de lâcher dans les décennies d’après-guerre - les soi-disant « trente glorieuses »-, pour s’assurer la « paix sociale ».
 
Cette politique de mondialisation a permis à la bourgeoisie de sortir de la crise à laquelle avait abouti la période des « trente glorieuses ». Mais elle n’en a pas moins à son tour accumulé de nouvelles contradictions, qui ont abouti, à travers de nombreuses crises partielles, à la crise globale que connaît le capitalisme aujourd'hui.
 
Ce fut en particulier, fin de 2000, celle des « nouvelles technologies ». Les capitaux avides de profits s’étaient jetés sur un secteur dont le développement semblait illimité. La bulle financière qui s’était ainsi constituée explosa sous l’effet d’une production qui ne pouvait suivre, faute de débouchés solvables. Cette contradiction entre la folie financière et les limites de la production nourrit aujourd'hui une crise globalisée, après une nouvelle phase où la croissance très rapide de quelques pays comme le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, grâce à la prolétarisation et la surexploitation de millions de paysans, a, de nouveau, entretenu la folie spéculative.
 
Les perspectives de profit sans précédent que constituait, pour la finance internationale, la croissance des pays émergents a attiré massivement les capitaux sur certains secteurs de l’économie. Cela a exacerbé la concurrence à l'échelle planétaire d'autant que les reculs imposés à la classe ouvrière des anciens pays industriels, qui restent les principaux importateurs des marchandises produites dans le monde, tendent à limiter la consommation. Les masses de capitaux générés par ces profits ne trouvent pas, pour s’investir, suffisamment de terrains jugés rentables : du point de vue de la bourgeoisie, il y a trop de capitaux par rapport aux perspectives de réaliser des profits dans la production, ces capitaux vont nourrir la spéculation, préparant l’explosion de nouvelles bulles spéculatives.
 
Aujourd'hui, la reprise de la spéculation boursière et de la circulation de l’argent entre banques dans lesquels certains voient des signes de « sortie de crise », les cadeaux des Etats aux patrons et aux plus riches, tandis que les attaques contre les travailleurs et la population continuent de plus belle, ne peuvent en aucun cas enrayer la récession en cours. L'embellie momentanée ne saurait masquer la tendance de fond, conséquence de la contradiction entre une masse de capitaux avides sans cesse de nouveaux profits qui ne peuvent venir que d'une exploitation toujours plus féroce. De fait, la politique des financiers et des Etats alimente le chômage, donc la récession, jusqu'à la nouvelle crise financière...
 
Au fil des années, la mondialisation a également modifié les rapports de force économiques internationaux. Les anciens pays industrialisés ont perdu une part importante de leur capacité de production industrielle tandis que se développait celle des pays émergents. De pays exportateurs de produits industriels, ils sont devenus importateurs, finançant leurs achats par la dette. C’est particulièrement le cas pour les Etats-Unis, dont la puissance est minée par une dette abyssale, encore aggravée par le financement des plans de soutien au système financier. Cela explique pourquoi son hégémonie est contestée, pourquoi le G20 est un lieu où se mesurent les nouveaux rapports de forces internationaux. Une des conséquences de cette situation est que les Etats-Unis ne peuvent plus imposer sans contestation possible leur loi sur les relations économiques et financières internationales, comme c’était le cas à la sortie de la guerre avec les accords de Bretton-Wood et la mise en place d’institutions comme le FMI et la Banque mondiale, appendices de la politique économique américaine. Actuellement, résultat des évolutions de la mondialisation, plus aucun pays n’est en mesure d’imposer une hégémonie sans partage.
 
C’est le règne d’une concurrence acharnée tant entre les multinationales ou les Etats qu'entre les travailleurs, concurrence qui ruine toute idée de « régulation » ou de « gouvernance internationale » de la finance.
 
Le capitalisme est entré dans une phase d'instabilité chronique, la crise, loin d’être terminée, vient de connaître seulement son premier acte.
 
 
 
Une seule politique possible, la défense les intérêts des travailleurs
 
A travers la mascarade du G20, la bourgeoisie internationale tente de coordonner son offensive politique, idéologique, sa propagande. Impuissante à juguler sa propre crise, elle poursuit son offensive contre les travailleurs et les peuples pour maintenir les profits Mais il lui faut présenter une politique dont le seul moteur est l'égoïsme de classe comme une politique visant à sortir de la crise pour répondre à l'intérêt général ! 
 
Il lui faut dominer l’opinion pour empêcher que ne se développe la contestation d’une politique aberrante, injuste et inhumaine. C'est bien pourquoi, à l'opposé, refuser de payer les frais de leur crise implique une contre-offensive politique pour mettre à nu les objectifs et les projets des classes dominantes, démontrer que les intérêts de la minorité qui contrôle la finance et l’économie sont contraires à ceux de la majorité de la population et qu’en conséquence, il n'est pas possible d'éviter l'affrontement, qu'il faut le réparer. Les classes opprimées ont les moyens d'inverser le rapport de force face à une classe dominante en plein crise, car la crise du capitalisme, c'est bien celle d'une classe dominante, crise que les travailleurs peuvent utiliser pour inverser le rapport de force. Cela veut dire faire de la politique.
 
Ces derniers mois, face aux licenciements et aux fermetures, à Conti, New-Fabris, Mollex et bien d’autres, des salariés ont refusé de se laisser endormir par les discours sur la fatalité de la crise. Ils ont choisi de se battre, avec leurs armes, contre les licenciements ou, à défaut de pouvoir les empêcher du fait de leur isolement, pour obtenir les meilleures indemnités de licenciement possible.
 
Ces luttes ont trouvé une large sympathie parmi les travailleurs et les classes populaires. Des pas ont été faits dans le sens de la construction de la convergence des luttes de ceux qui s’opposent, le dos au mur, à l’offensive du patronat. Il s’agit aujourd’hui de renforcer ces liens, d’aller plus loin. Cela passe par une bataille politique, imposer que la question sociale soit au centre du débat politique, y compris dans le cadre des élections régionales à venir.
 
Refuser de payer la crise, c’est s’opposer frontalement aux intérêts vitaux de la bourgeoisie. Poser la question des salaires, de la garantie de l’emploi, la question de l’interdiction des licenciements, du partage du travail entre tous, pose une question politique plus générale : l’affirmation de la légitimité des exigences du monde du travail contre une politique du patronat et du gouvernement qui ne peut qu’aggraver la crise, la contestation de la politique de la bourgeoisie, celle de sa légitimité à diriger le monde.
 
Oui, refuser de payer la crise, c’est contester non seulement le libéralisme mais le capitalisme lui-même dans la perspective d’une transformation de la société, du socialisme.
 
C’est bien pourquoi, face au rouleau compresseur des classes dominantes qui ont su rallier à la défense de leurs intérêts et de l’économie de marché le PS et les Verts, les anticapitalistes sauront travailler au regroupement de tous les courants politiques, des groupes, des militants, qui refusent de capituler devant la logique du profit pour défendre, sur tous les terrains, les intérêts de la collectivité. 
 
Daniel Minvielle