Poste, licenciements, salaires, conditions de travail… Unir autour des exigences du monde du travail
Ce
qui vient de se passer avec la votation citoyenne, au-delà
d’un succès numérique inattendu (plus de 2 millions de
votants), témoigne de la volonté de milliers de militants
syndicaux et politiques d’agir ensemble, de se regrouper
pour s’opposer à l’offensive politique, économique et
idéologique du gouvernement et du patronat. Nous nous sommes
ainsi retrouvés des milliers sur les marchés, devant les
Postes, les salles municipales, les écoles avec nos badges
différents pour une bataille politique commune, assumant
chacun notre diversité et mettant ensemble en débat dans
tout le pays les revendications du monde du travail,
l’exigence de services publics. Cela n’était pas sans
rappeler la bataille pour le Non au TCE de 2005, mais avec
les enseignements de la campagne d’alors et de ses suites,
les clarifications politiques apportées depuis.
L’action
politique qui s’est menée durant cette semaine de
« votation » a contribué à la politisation et loin de
masquer les différences, les divergences, les
responsabilités, elle a permis de les discuter. C’est une
bonne chose que le Parti socialiste se soit au final senti
obligé -après un temps net de réflexion- de mettre son poids
dans la balance, fournissant la logistique dans un certain
nombre de communes. Cela a été un encouragement au débat
public, nombre de militants syndicalistes ou de gauche
tenant à rappeler qu’ils n’ont pas oublié le PS au pouvoir,
les plus jeunes se faisant raconter par les plus anciens le
coup d’envoi du dépeçage des PTT par Quilès et la
privatisation de F. Telecom par Jospin…
Une
réalité qui échappe aux camarades de Lutte Ouvrière qui
écrivent dans leur éditorial du 5 octobre : « la
“votation citoyenne” aura servi à blanchir les partis de
la gauche gouvernementale de leurs responsabilités passées
et les cautionner pour l’avenir »... « contre la
classe capitaliste […] des astuces référendaires
sont inefficaces. Elles ne changent en rien le rapport de
forces. Seule le peut la mobilisation du monde du travail
pour imposer au patronat ses exigences vitales […] C’est
avec une mobilisation assez puissante pour contester la
dictature de la classe capitaliste sur l’économie qu’elle
conduit à la ruine, que la défense du service public
cessera d’être un simple slogan électoral ».
Au
lieu de discuter de ce qui va dans le sens des intérêts des
travailleurs, de ce qui peut contribuer à changer le rapport
de forces, encourager la résistance, aider à la
politisation, ces camarades accusent de « cautionner »…
discutant comme s’il s’agissait de défendre une prétendue
vertu morale là où il s’agit d’un combat politique qu’ils se
privent de mener.
L’unité
est une politique pour renforcer la confiance des
travailleurs en eux-mêmes, les encourager à agir par
eux-mêmes, à se coordonner, à faire de la politique pour
défendre leurs intérêts de classe face au gouvernement qui
mène une nouvelle phase de son offensive pour faire payer
plus rudement le monde du travail. Elle implique une lutte
constante contre ceux qui veulent ramener en permanence les
mobilisations dans le cadre institutionnel alors qu’il
s’agit bien au contraire que les travailleurs en prennent
démocratiquement le contrôle pour leur donner toute leur
dimension politique. Comme elle implique aussi,
nécessairement, des compromis.
L’offensive politique et
idéologique du patronat et de Sarkozy
Le
bluff de la prétendue reprise à venir ne peut masquer la
réalité de la dégradation de la situation pour les
travailleurs, la montée du chômage, les nouvelles attaques
pour nous faire payer la récession (-2,25 % du PBI en 2009).
580 000 emplois
ont été détruits cette année dans le privé et il en est déjà
prévu 200 000 de plus en 2010. Parallèlement, au nom du « soutien
à l’activité », le gouvernement annonce 15 milliards
d’impôt en moins pour les entreprises (dont 12 milliards à
travers la suppression de la taxe professionnelle) auxquels
il ajoute 2 milliards d’aides aux PME et « entreprises de
taille intermédiaire » (ce qui inclut la plupart des
entreprises hors multinationales). Sans compter la
prolongation de l’exonération de « charges patronales » pour
celles de moins de 10 salariés…
En
même temps, pour soi-disant diminuer le déficit de l’Etat,
le gouvernement a programmé 34 000 suppressions de postes
supplémentaires dans la Fonction publique. Et il bloque les
salaires des fonctionnaires, avec seulement 0,5 % l’an
prochain, n’osant pas encore les geler complètement comme le
gouvernement de gauche de G. Brown en Angleterre ou pire
comme Berlusconi qui généralise le salaire au mérite avec
une loi « anti-fainéants » (sic) qui prévoit des baisses
jusqu’à 20 % !
Quant
au déficit de la sécurité sociale dont les caisses ne sont
plus alimentées puisque les cotisations patronales ne
rentrent plus et que la masse salariale baisse, il va se
traduire par la hausse du forfait hospitalier à 18 € par
jour (540 € par mois), des déremboursements et une nouvelle
remise en question des retraites « sans tabou »… Pour
combler ce déficit « il faudrait que la masse salariale
progresse de 10 % en 2011 et en 2012 » a calculé
Woerth, ministre du budget, dans le journal Les Echos.
Un tout petit peu de notre dû, une infime partie de ce qui a
été volé aux travailleurs mais qu’il est hors de question
pour le patronat de lâcher !
Et
cerise sur le gâteau, Sarkozy et Copé voudraient rendre
imposables les indemnités d’accident du travail. Une mesure
qui rapporterait 150 millions : un chiffre dérisoire, un
centième de ce que représente le bouclier fiscal, mais un
geste politique, une provocation de classe.
Mener la bataille unitaire
pour légitimer les exigences et la révolte des
travailleurs
En
face, la politique des confédérations syndicales n’en parait
que plus impuissante, dominée par le tempo… et l’idéologie
du gouvernement. Leurs initiatives, loin de chercher à
encourager et unifier les luttes, visent essentiellement à
calmer le mécontentement d’une fraction importante des
militants. Après avoir laissé les luttes radicales du
printemps et de l’été isolées, les travailleurs se battre
contre les licenciements boîte par boîte, dos au mur, la
confédération CGT prétend aujourd’hui reprendre l’initiative
de façon unitaire… Mais la journée du 7 octobre pour un « travail
décent », sans même d’appel à la grève, n’a mobilisé
que quelques équipes, sans illusion sur les objectifs des
confédérations mais décidées à utiliser cette journée pour
elles-mêmes, pour leur lutte, comme l’ont fait ceux de
France Télécom dans plusieurs villes ou ceux de boîtes de
l’automobile en lutte. De la même manière, des militants du
secteur de la métallurgie ou de la chimie entendent utiliser
le 22 octobre, journée de la CGT pour « le développement
industriel et l'emploi », pour construire une suite
aux précédentes mobilisations de leurs secteurs, resserrer
les liens militants, travailler à la convergence. Mais mener
ce combat, sortir de l’impasse de la défense « du
développement industriel » dans laquelle la direction
de la CGT voudrait enfermer les luttes, nécessite une
cohésion militante, une indépendance de classe qui ne peut
se construire que sur une compréhension commune des rapports
de forces, des objectifs, des enjeux.
Cela
ne peut résulter que d’une bataille politique publique, la
plus large et unitaire possible, pour donner confiance aux
militants, aux travailleurs, affirmer leur droit à exiger
leur dû, en dénonçant la politique du patronat, la brutalité
de l’exploitation, le mépris de classe.
Dans
ce contexte, les élections régionales de mars 2010 qui sont
déjà à la une de l’actualité politique peuvent être une
tribune pour cette bataille, l’occasion aussi d’œuvrer à
regrouper tous ceux qui prétendent se situer du point de vue
des intérêts des classes populaires. Par delà les
divergences, il est ou il serait de l’intérêt du monde du
travail qu’anticapitalistes et antilibéraux répondent
ensemble à l’offensive « idéologique » etpolitique de
la droite et du patronat, en toute indépendance du PS au
pouvoir dans les régions. Il est clair qu’il ne s’agit
aucunement pour le NPA de construire l’unité pour dire
qu’une autre voie serait possible dans le cadre général des
institutions avec l’objectif de participer à la
recomposition à gauche de la gauche pour changer les
rapports de force avec le PS ! Mais bien de proposer à
toutes les forces antilibérales et anticapitalistes de se
regrouper pour faire valoir les exigences du monde du
travail et de porter ces exigences dans les conseils
régionaux demain si nous avons des élus. Ce qui veut bien
sûr dire dès aujourd’hui un engagement clair et réciproque à
ne pas participer aux majorités de gestion avec le PS.
Sans
préjuger de ce qui sera possible -chacun prendra ses
responsabilités- la première rencontre unitaire du 28
septembre et la déclaration signée par NPA, PCF, PG,
Fédération, Alternatifs, GU et PCOF, qui fixe le cadre du
débat que chacun accepte, démontre que personne ne peut
ignorer cette politique (LO participant également à cette
première réunion en tant qu’observateur ainsi que le Forum
social des quartiers populaires). Le fait que la direction
du PCF ait également signé cette déclaration, malgré ses
réticences et alors qu’elle engage des « ateliers » avec le
PS, exprime la pression qui s’exerce en son sein et
l’aspiration de nombre de militants du PCF ou proches à
renouer avec une politique lutte de classe, indépendante du
PS.
De
fait, quelle qu’en soit l’issue -et les militants, les
travailleurs tireront les leçons des choix et positions des
uns et des autres- le débat est ouvert dans l’ensemble du
mouvement ouvrier et parmi tous les militants de quelle
politique pour changer le rapport de forces face à la crise
et à l’offensive du patronat. Il est ouvert au sein même du
NPA, entre aussi les courants qui se réclament du marxisme,
et c’est dans ce cadre que nous publions une contribution de
nos camarades de la Fraction L’Etincelle. Il est ouvert bien
plus largement sur les lieux de travail et les quartiers. La
discussion est une discussion militante, pratique, sur la
politique nécessaire aujourd’hui pour faire avancer les
luttes et la conscience des travailleurs. Cette dernière ne
peut se limiter à des dénonciations et des proclamations,
elle vise à entrainer, à mobiliser toutes les forces
disponibles, à convaincre qu’il y a d’autres possibilités
que la voie électorale ceux qui ont des illusions. Elle ne
peut négliger aucune arme ni aucun terrain. La défense des
intérêts des travailleurs se mène sur tous les terrains et
milite constamment pour unir les forces. Le NPA a un rôle
majeur à jouer : libre de toutes perspectives
institutionnelles ou gestionnaires, il est un ferment
d’unité et de démocratie.
Isabelle
Ufferte