Campagne contre les licenciements, ou campagne pour le droit à l’emploi ?

Toute une discussion a eu lieu ces derniers mois parmi les camarades du NPA sur l’opportunité ou non de fixer comme objectif à cette campagne une loi (interdisant les licenciements ou pour un emploi stable), afin paraît-il d’être mieux « crédible » et « compris » auprès des travailleurs, et de mieux « légitimer » leur bon droit face au patronat. Au dernier Conseil politique national du NPA semble surtout s’être contenté de concilier tout le monde en éludant momentanément la question.
 
La fraction l’Etincelle de LO fait partie de ceux qui pensent que prétendre se battre pour une telle loi situerait notre campagne contre les licenciements sur un terrain électoraliste et non sur le terrain de la lutte de classe.
 
Les formulations avancées par le Npa pour définir cette campagne laissent penser que la question n’est toujours pas tranchée. Tout d’abord, la campagne « contre les licenciements » initialement prévue s’est édulcorée au fil des mois en « campagne pour l’emploi » (CPN de juin dernier), puis « pour le droit à l’emploi »[1] (CPN de septembre).
 
Bon nombre d’arguments avancés pour décliner cette campagne reprennent d’ailleurs ceux des camarades qui militaient pour cette proposition de loi. Double page centrale du TEAN du 10 septembre, sous le titre Npa Arguments : « Le droit de licencier doit être supprimé. En cas de diminution de la production, le temps de travail doit être réduit… », et plus loin, « la précarité… doit être interdite (…) L’intérim… doit être interdit… », « L’emploi est un droit qui doit être garanti ». Le droit de… doit être… doit être encore… Par qui ? Comment ? Pourquoi distiller des illusions sur l’obtention d’une loi parlementaire, au lieu d’argumenter sur la façon dont les travailleurs peuvent, dans le contexte actuel, se donner les moyens d’interdire les licenciements ?
 
Sous la rubrique (saluons l’intitulé) Interdire les licenciements, on trouve malheureusement une curieuse argumentation (reprise dans la résolution du CPN) peu en rapport avec le sous-titre : « Il faut reporter la responsabilité totale d’une suppression de poste de salarié sur le patronat qui se décharge de ses responsabilités. Un fonds de financement mutualisé, à la charge du patronat, doit, dans tous les cas, permettre le maintien des salaires… » Passons sur la formulation alambiquée censée être « mieux comprise » par les travailleurs. Mais responsabiliser le patronat ! Expliquer aux travailleurs… qu’il se « décharge de ses responsabilités » ! Comme si les exploités devaient s’en remettre à la responsabilité des patrons ! Mauvais début comme appel à la révolte. Responsabiliser le patronat, donc, grâce à une loi ? Qui le contraindrait à mutualiser ses bénéfices au profit des travailleurs ? Pour le coup, voilà un programme pour « le droit à l’emploi », sinon de campagne militante immédiate, du moins de future campagne électorale propre à satisfaire sans trop de réticences des interlocuteurs parfaitement respectueux du système capitaliste.
 
Visiblement, tout le contenu de cette campagne tel qu’il est décliné vise plus à convaincre « d’un choix de société » (comme diraient tout aussi bien Marie-George Buffet que Jean-Luc Mélenchon, voire d’autres…), qu’à « légitimer » et « crédibiliser » auprès des travailleurs la nécessité de faire converger les luttes et résistances en cours. Ce qui aboutit à une sorte de saupoudrage de requêtes multiformes visant sans doute à satisfaire les différentes sensibilités politiques du Nouveau parti anticapitaliste, au risque de les mécontenter toutes !
 
Bien entendu, la fraction l’Etincelle de LO qui a approuvé dès le début l’initiative d’une véritable campagne contre les licenciements mènera (et mène déjà) cette campagne avec nos camarades du NPA, mais en privilégiant dans son argumentation les arguments visant à convaincre les travailleurs des voies et moyens d’une mobilisation d’ensemble.
 
Huguette CHEVIREAU
 
 
[1] Cf. La résolution d’activité de rentrée du CPN des 20 et 21 septembre : « … le sens de la campagne décidée par le Npa pour imposer le droit à l’emploi »