Après la rupture du Front de gauche, une nouvelle étape pour le NPA
Le Front de gauche a donc
rompu les discussions unitaires avec le NPA. Il n’y aura pas
pour les prochaines élections régionales de listes rassemblant
les antilibéraux et les anticapitalistes. Le point de rupture
avancé et revendiqué par les dirigeants du Parti communiste,
du Parti de gauche et de la Gauche unitaire définit sans
ambiguïté leur politique : il n’est pas question pour eux
d’envisager une autre orientation que celle qui vise à la
constitution de majorités de gestion de toute la gauche dans
les conseils régionaux. Et cela dans la continuité des
majorités sortantes dirigées par le PS dont il bien difficile
de différencier la politique de celle de la droite.
Il ne pouvait être question pour le NPA d’accepter de s’inscrire, d’une façon ou d’une autre, dans une telle orientation. Il ne pouvait être question de négocier l’indépendance vis-à-vis du PS et des institutions, le refus de participer à une nouvelle mouture d’union de la gauche au niveau des régionales, le refus de brader les intérêts des classes populaires pour constituer des majorités de gestion de toute la gauche. Le Front de gauche a considéré ce refus comme un point de rupture. Dont acte.
Il ne pouvait être question pour le NPA d’accepter de s’inscrire, d’une façon ou d’une autre, dans une telle orientation. Il ne pouvait être question de négocier l’indépendance vis-à-vis du PS et des institutions, le refus de participer à une nouvelle mouture d’union de la gauche au niveau des régionales, le refus de brader les intérêts des classes populaires pour constituer des majorités de gestion de toute la gauche. Le Front de gauche a considéré ce refus comme un point de rupture. Dont acte.
Il
aurait été possible de réaliser l’unité des antilibéraux et
des anticapitalistes à condition que les premiers ne
sacrifient pas ce qu’ils disent être leur programme à des
combinaisons parlementaires. Cela n’a pas été le cas.
C’était écrit dans le grand livre de l’histoire ? Non, rien
n’est écrit par avance et nous avons eu raison de tenter
d’œuvrer au regroupement des antilibéraux et des
anticapitalistes pour porter les exigences des travailleurs
et des classes populaires.
La
situation politique rendait l’unité et nécessaire et
possible
Nécessaire
pour changer les rapports de force en particulier en
oeuvrant à la convergence des luttes. Il est clair que les
premières tentatives de généralisation qui se sont faites et
se font à partir des luttes contre les licenciements dans
les entreprises des équipementiers de l’automobile se sont
heurtées à des limites qui renvoient au niveau de conscience
et d’organisation non seulement des travailleurs mais aussi,
pour une part, des équipes militantes. Travailler à la
préparation d’un mouvement d’ensemble ne saurait se limiter
à un volontarisme politique mais passe par une agitation et
une propagande la plus large possible autour des exigences
des travailleurs et des classes populaires face à la crise.
Utiliser la tribune des élections dans ce but est
indispensable. Il serait erroné de flatter des préjugés a-
ou antipolitiques qui existent parmi bien des militants
ouvriers aussi compréhensibles que soient ces préjugés. Nous
combattons les préjugés réformistes qui séparent luttes
syndicales et lutte politique, limitée au terrain
institutionnel, mais nous ne sommes pas des « économistes »,pour
reprendre l’expression de Lénine, qui limiteraient la lutte
des travailleurs au terrain de l’usine, au terrain social.
La préparation d’un mouvement d’ensemble exige un travail…
politique qui n’a aucune raison de tourner le dos au cadre
électoral ni de craindre d’utiliser des institutions
bourgeoises. Préparer un mouvement d’ensemble, c’est œuvrer
à changer le rapport de force politique. Les luttes, la
grève sont une arme déterminante mais pas unique.
Face
à l’offensive politique de la droite et du patronat et aux
capitulations de la gauche libérale, il était juste et
nécessaire d’explorer les possibilités d’unir les forces qui
disent vouloir résister à cette offensive, la combattre.
L’évolution
de plus en plus à droite du PS, sa recherche d’alliance avec le
centre droit de Bayrou pouvaient aussi contribuer à créer
les possibilités d’un front unique avec les antilibéraux. Il
était légitime de miser sur le fait que le PC sous
l’influence de son nouvel allié, le Parti de gauche, pouvait
envisager de se détacher du PS pour réellement et sérieusement se
battre pour tenter de changer les rapports de force au sein
de la gauche et, en conséquence, de prendre son indépendance
vis-à-vis du PS ne serait-ce que le temps de ces
élections. Et du même coup rechercher l’alliance avec le NPA
ou au moins de l’envisager sérieusement. Le nombre de listes
autonomes du PS qu’envisage le PC avant même le vote des
militants en est la démonstration, expression d’une pression
à gauche de ses militants. Mais cette pression ne suffit pas
à obliger le PC à rompre avec sa politique d’union de toute
la gauche, avec sa dépendance au PS.
Une
telle alliance, par delà les désaccords de fond entre
antilibéraux et anticapitalistes, aurait pu répondre aux
besoins du mouvement ouvrier. Une alliance démocratique
laissant la liberté d’expression à ses différentes
composantes aurait été un moyen de combattre l’offensive de
la droite et du patronat avec plus de force. Elle aurait été
aussi un moyen d’échanger, de débattre entre les différentes
composantes, d’entraîner, de créer une réelle dynamique
mobilisatrice qui n’aurait pas manqué de se répercuter sur
les luttes. De cela, le PC et le PG n’en ont pas été
capables, limitant leur horizon politique aux luttes de
places et de postes, à la défense de leurs intérêts
d’appareil.
Le
rêve de Jean Luc Melenchon de construire un Die Linke à la
française perd un peu plus de crédibilité. Passer du rêve à
la pratique aurait au moins exigé d’affirmer sa capacité à
définir une politique et à exister indépendamment du PS.
Même cela, ils ne l’ont pas osé !
Pour
notre part, nous étions disponibles à explorer la
possibilité de constituer un front durable qui n’aurait pas
eu pour seul but les élections mais qui aurait exploré les
possibilités d’actions communes sur le terrain des luttes et
des mobilisations. Nous n’avions aucune raison de le
craindre à partir du moment où nous sommes capables de
préserver notre indépendance politique, notre liberté de
parole, en un mot d’agir pour l’unité en faisant vivre la
démocratie. Trop longtemps le mouvement ouvrier a vécu sous
la domination des appareils social démocrate et stalinien
pour qu’aujourd’hui, alors que la crise de ces appareils
ouvre des possibilités de discussions, nous nous repliions
sur nous-mêmes en tournant le dos à nos propres
responsabilités : faire vivre la démocratie, la mettre en
œuvre, contribuer à créer les conditions d’échanges.
Nous
ne voulons pas faire un Die Linke à la française mais un
parti anticapitaliste et révolutionnaire
Cela
ne veut pas dire, bien évidemment, reprendre à notre compte
la stratégie du PG pour construire un parti du type Die
Linke. Pour la grande majorité du NPA la politique d’unité
s’accompagne d’une pleine indépendance de notre parti. Le
front unique suppose la pleine liberté de chaque composante
pour défendre ses propres orientations, perspectives,
objectifs. La campagne pour le Non au référendum de 2005 en
a été une illustration. La LCR, à l’époque, avait su garder sa
pleine indépendance malgré, au départ de la campagne, une
certaine confusion.
Il
est clair que les révolutionnaires seront impuissants à
construire ne serait ce que l’ébauche d’un parti si nous ne
sommes pas capables de prendre les risques d’une telle
politique. Les risques, oui, car bien sûr il y a des
risques. Les risques de subir les pressions opportunistes
qui plaident pour l’unité pour l’unité, les risques de
pressions gauchistes qui se nourrissent des faiblesses et
hésitations, des difficultés. Mais il n’y a pas d’autre
réponse à ces risques que de s’investir dans la bataille,
que d’avoir confiance dans les militants, les travailleurs
pour ensemble faire l’expérience, mener la bataille,
contribuer à ce que le parti lui-même gagne en force, en
indépendance politique, en capacité d’intervention, en
confiance.
Cette
bataille n’est pas finie. L’échec des discussions pour les
régionales apporte des clarifications politiques dont chacun
devra tirer les enseignements, les conclusions, mais il ne
ferme nullement la porte de l’unité.
Nous
gardons le souci de construire l’unité du monde du travail
sur des bases d’indépendance de classe autour des exigences
vitales des travailleurs. Nous entendons continuer d’œuvrer
à l’unité pour les luttes par-delà les échéances et
rivalités électorales et en premier lieu l’unité des
anticapitalistes dont Lutte ouvrière.
L’unité
pour transformer le rapport de force entre le
gouvernement, le patronat et les travailleurs
Unité
pour faire face aux attaques de la droite et du patronat,
unité syndicale, unité autour des entreprises en lutte,
unité sur le terrain politique y compris celui des
élections, la question est diverse et complexe et ne peut
recevoir de réponse toute faite. Elle suscite des espoirs
dans une situation où la pression économique, sociale,
politique des classes dirigeantes est extrêmement forte. Des
désarrois aussi face aux renoncements accumulés de la gauche
antilibérale qui provoque une légitime révolte. Mais cette
révolte doit s’armer d’une politique vis-à-vis de l’ensemble
des travailleurs pour aider au regroupement des forces du
monde du travail. D’où l’importance des discussions
actuelles qui participent d’une indispensable politisation.
Notre
politique ne peut se limiter à l’affirmation de notre propre
programme sans chercher à convaincre, à entraîner en ayant
une politique vis-à-vis des autres forces qui disent vouloir
combattre les effets dévastateurs de la crise et défendre
les intérêts des travailleurs et des classes populaires. Ces
forces ne sont pas anticapitalistes, la belle évidence !
C’est bien pourquoi nous devons avoir une politique
vis-à-vis d’elles. Cette dernière ne saurait se contenter de
leur demander de reprendre notre propre programme, elle vise
à définir ce que nous pourrions défendre ensemble malgré les
divergences de fond qui nous séparent.
Pour
les militants qui se réfèrent à l’histoire du mouvement
communiste révolutionnaire, au trotskisme, la recherche du
front unique est un souci constant. Elle part de l’idée que
la classe ouvrière est hétérogène tant socialement que
politiquement et que pour s’adresser aux travailleurs
influencés par les illusions réformistes il ne suffit pas de
dénoncer ces illusions, il faut chercher, à chaque étape,
les points de convergence, les terrains d’action communs à
la fois pour entraîner, mobiliser et convaincre, travailler
à l’émergence d’une conscience de classe à travers l’action
et la confrontation politique. Cela, nous le faisons de fait
quotidiennement en particulier dans la lutte syndicale, dans
les associations… En permanence, dans l’activité
quotidienne, nous faisons des « compromis » pour
mobiliser, agir ensemble, développer les luttes à partir du
niveau de conscience des travailleurs. A chaque étape, nous
cherchons à aller le plus loin possible en aidant au mieux à
la prise de conscience des intérêts collectifs qui unissent
les opprimés.
Personne
ne niera que dans cette politique le NPA a pu connaître des
faiblesses, des hésitations mais faut-il encore savoir de
quel point de vue on discute de ces faiblesses. Il n’y a pas
de parti sorti tout armé de la cuisse du Jupiter de la
révolution, un parti se construit, s’aguerrit à tous les
niveaux de responsabilité en s’engageant dans les batailles
nécessaires, en étant capable à chaque étape de faire les
bilans quand le temps des bilans est venu, de corriger le
tir, de savoir sauvegarder son unité dans les moments les
plus difficiles.
Le
processus de construction du parti dont le monde du travail
a besoin connaît une nouvelle phase, difficile mais riche de
possibilités si nous sommes capables de nous réunir sur
l’essentiel. Cela ne veut pas dire taire les points de
désaccords, ni marcher comme un seul homme, mais savoir
mener nos débats pour unir notre propre parti, renforcer sa
cohésion, sa conscience politique. Il s’agit de dégager
ensemble les enseignements de la bataille que nous venons de
mener pour collectivement renforcer notre cohésion autour
des axes fondateurs du NPA en tant que parti des luttes
sociales et politiques en rupture avec le
social-libéralisme, parti pour la transformation
révolutionnaire de la société. Il ne manque pas d’oiseaux de
mauvais augure pour nous promettre isolement et échec. Bien
au contraire, c’est en défendant, en mettant en œuvre une
politique unitaire préservant notre indépendance de classe
que nous pourrons nous enraciner sein du monde du travail.
Une nouvelle étape commence. Elle exige de tirer les
enseignements des discussions avec les antilibéraux pour
renforcer le NPA afin qu’il reprenne l’offensive, se
mobilise pour devenir réellement un parti enraciné dans le
monde du travail, instrument des luttes des travailleurs, de
leur émancipation, de leur unité autour de leurs propres
exigences et perspectives, un parti démocratique,
révolutionnaire.
Yvan
Lemaitre