Après
des semaines d’hésitations, de consultations, Barack
Obama a donc décidé d’envoyer, « le plus vite possible »,
30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan en renfort
d’une politique qui ne peut plus masquer son échec, sa
faillite, pour, comme il l’avait annoncé, « finir le
boulot… ». Etrange façon « de renforcer la
diplomatie internationale et la coopération entre les
peuples », motif qui lui a valu le Prix Nobel de la
Paix !
Depuis
son arrivée au pouvoir, les effectifs des troupes
américaines auront ainsi presque triplé. Déjà, en un an, le budget de la Défense est passé de
606,4 milliards de dollars sous Bush fin 2008 à 680
milliards de dollars. Et ce seront 30
milliards de dollars en plus sur la facture de la guerre
pour les contribuables.
L’argumentation
est la même que celle développée par Bush. « C'est de là
que nous avons été attaqués le 11-Septembre, et de là que
de nouveaux attentats sont préparés alors que je parle ».
Les grandes phrases sur « la noble cause » ne
peuvent masquer les véritables raisons de cette fuite en
avant dans la guerre : l’échec total de la politique qui
visait à mettre en place un régime allié des puissances de
l’Otan qui ait un minimum de légitimité. Karzaï s’est imposé
par la fraude généralisée, il n’a aucune légitimité. L’Etat
qu’il dirige est gangrené par la corruption qui se nourrit
de l’occupation et de la prétendue aide à la reconstruction
du pays. « L'époque du chèque en blanc est
révolue », a affirmé Obama pour tenter de rassurer
l’opinion américaine. « Nous allons clairement expliquer
ce que nous attendons de la part de ceux que nous aidons »,
a-t-il renchéri. Mais les troupes d’occupation, rejetées par
la population, n’ont pas d’autres possibilités que d’acheter
les services dont elles ont besoin, auprès du gouvernement,
de l’Etat, ou des seigneurs de guerre.
Cette
fuite en avant dans la guerre ne peut qu’accentuer la crise.
Obama a promis que les troupes commenceraient à rentrer dans
un an. Nouveau mensonge car il sait bien ce que signifie et
entraîne sa décision, l’impossibilité de se retirer. Et
c’est bien cela son choix, celui du Pentagone et des classes
dirigeants américaines, rester coûte que coûte. Coûte que
coûte y compris au risque d’une extension de la guerre. « Nous
allons agir en étant parfaitement conscients que notre
succès en Afghanistan est lié inextricablement à notre
partenariat avec le Pakistan », a-t-il rajouté. Cela
veut dire accentuer la régionalisation de la guerre et il
est clair qu’une telle politique aux enchaînements
incontrôlables implique la pérennisation de la présence
américaine.
Cette
décision d’Obama est lourde de conséquences. Elle s’inscrit
dans le redéploiement militaire et diplomatique des USA pour
faire face à l’instabilité généralisée engendrée par la
mondialisation qui combine la globalisation de l’économie de
marché aux vieux rapports impérialistes.
La globalisation du
militarisme
Au
lendemain de la fin de l'URSS,
l'impérialisme triomphant prétendait apporter la paix et la
démocratie grâce au développement de l'économie de marché,
parlait d’un nouvel ordre de justice internationale. Mais déjà lors de la première guerre
en Irak ou de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, les armées
commençaient, elles, à s’engager dans la politique qui s’est
ensuite pleinement déployée au lendemain du 11 septembre
2001. Le discours idéologique a
dû se plier aux réalités économiques, politiques,
militaires, il est devenu celui de la « guerre contre
le terrorisme »…
La
guerre d’Afghanistan éclaire, par delà les discours de
propagande, les véritables objectifs du Pentagone. Les
justifications et les buts annoncés de l’opération « Liberté
immuable » ne résistent pas à la réalité.
Loin
d'instaurer la démocratie, les USA ont mis en place un
pouvoir fantoche, sans Etat ni autorité, et livré le pays
aux seigneurs de guerre. Non seulement il n’y a pas de
démocratie mais le pouvoir coupé du peuple recherche l'appui
des religieux et flatte les préjugés des couches sociales
les plus réactionnaires. Le sort des femmes a empiré, à
l’oppression religieuse et féodale s’ajoutent les
souffrances de la guerre. L'aide de 25 milliards de dollars
promise n’a été que partiellement versée ou a disparu, la
corruption est partout jusqu’au sommet de l’Etat. L’économie
la plus florissante est celle du pavot. Loin de vaincre le
terrorisme, l’occupation militaire l’alimente.
Pour
imposer leur contrôle sur le pays, les USA n'ont d'autre
possibilité que de poursuivre l’occupation militaire au prix
d'une crise permanente dans la région, en particulier avec
le Pakistan. Leur échec n’est pas d’être contraints de
rester en Afghanistan, pas plus que de rester en Irak, c’est
ce qu’ils voulaient. Leur échec, de leur point de vue, c’est
de ne pas avoir réussi à créer un cadre politique donnant
une légitimité à leur occupation pour l’imposer aux
populations.Et il n’est de toute façon pour eux pas plus
question de partir d’Afghanistan que d’Irak. Ils chercheront
à y rester quel que soit le coût social, humain, militaire.
La
guerre en Afghanistan est aussi l’occasion pour Obama de
tester ses alliés, d’associer la Chine, l’Inde, la Russie à
sa politique au prix de quelques concessions. Entente
économique avec la Chine, abandon du projet de bouclier
antimissile en Pologne et en Tchéquie et ouverture de
discussions sur le désarmement nucléaire avec la Russie,
Obama déploie sa diplomatie pour neutraliser les puissances
rivales, voire les intégrer au maintien de l’ordre mondial
contre les peuples. La guerre en Afghanistan mais aussi le
bras de fer engagé contre l’Iran sont autant d’occasions de
construire une grande alliance contre les peuples.
L’OTAN,
l’Organisation du Traité Atlantique Nord, instrument des
puissances impérialistes depuis la fin de la deuxième guerre
mondiale, après avoir servi, au lendemain de l'effondrement
de l'URSS, de cadre d’intégration économique et politique en
particulier des pays de l’ancien glacis soviétique, devient
aujourd’hui le cadre d’alliances militaires sous la houlette
des USA pour déployer leur stratégie de redéploiement
militaire et diplomatique.
C’est
bien là le seul changement apporté par Obama à la politique
de Bush, intégrer les changements des rapports de force
entre les grandes puissances pour mieux défendre les
intérêts des classes dominantes américaines en neutralisant
les puissances rivales au nom de la défense de l’ordre
mondial, de la paix !
Les
puissances européennes, incapables de jouer un rôle
indépendant, s’y rallient pour garder une place dans ce jeu
des grandes puissances. C’est le sens de la décision
annoncée par Sarkozy au sommet de l’Otan des 2 et 3 avril
2009 d'envoyer des renforts de 700 hommes en Afghanistan et
de réintégrer le haut commandement de l'Otan. C’est le sens
du soutien que les dirigeants européens apportent à Obama.
« Je peux confirmer que les alliés (membres de l'Otan) et
nos partenaires vont apporter une contribution
supplémentaire significative, au moins 5 000 soldats et
probablement quelques milliers encore en plus », s’est
ainsi félicité Rasmussen, le secrétaire général de l'Otan.
Concurrence et rivalités
libérales et impérialistes, ou internationalisme des
travailleurs
La
fin de l’URSS, l’intégration des anciens pays coloniaux
ayant conquis leur indépendance nationale, dont les
puissances dites émergentes, au marché capitaliste mondial,
le libéralisme mondialisé, bouleversent les vieux rapports.
Une nouvelle période
du développement du capitalisme s’ouvre. Elle combine le
libéralisme économique, les vieux rapports entre Etats
impérialistes bouleversés par l’évolution des rapports
économiques, et l’émergence de nouvelles puissances. C’est
cette combinaison qui explique les changements
qu’Obama tente d’apporter : nécessité de construire un
réseau d’alliances, coalition d'Etats pour faire régner
l'ordre à travers des relations d'interdépendance et de
rivalités respectant l'hégémonie américaine.
Mais, quelle que soit la
suprématie militaire des USA, ils ne pourront empêcher les
logiques de concurrence économique, de rivalités
militaires de s’exacerber au détriment des liens de
dépendance économique et financière. La crise globalisée
est un accélérateur de ces évolutions créant une
instabilité internationale, un état de guerre permanente,
guerres localisées, mais jusqu’à quand ?
La
libre concurrence globalisée, l’ouverture des frontières aux
capitaux ne sont pas des facteurs de paix. Elles attisent
les contradictions, les tensions, bousculent les rapports de
force et mettent en place les conditions d’une possible
généralisation des conflits. Les rivalités interétatiques
qui déchirent le monde ne sont plus exactement de la même
nature qu’au XXème. Elles s’insèrent dans des
liens de dépendance très profonds, ne visent pas à préserver
des rapports coloniaux de domination directe, mais à
s’assurer le contrôle des sources d’approvisionnement en
matières premières, la liberté du commerce mondial, les
voies de navigation... Mais elles sont nécessairement
amenées à s’accroître sous la pression de la crise.
Depuis
2001, on assiste à une augmentation constante des dépenses
militaires, principalement aux USA. Si les années 90 avaient
vu celles-ci diminuer au lendemain de la chute de l'URSS, le
début du siècle les voit à nouveau exploser pour dépasser
les plus hauts niveaux du passé.
En
dix ans, elles ont augmenté de 45%, d’après le rapport
annuel de l’Institut international de recherche sur la paix
de Stockholm. Selon la même source, en 2007, plus de 60% des
dépenses militaires mondiales ont été effectuées par des
pays membres de l’Otan. Celles des USA représentent 45% des
dépenses mondiales, suivies du Royaume-Uni, de la Chine, de
la France et du Japon avec 4-5% chacune. Soit plus de 500
milliards de dollars par an.
Quand
les USA dépensent 1 dollar pour l’aide, ils en dépensent 23
pour l’armement !
La
montée du militarisme est une composante organique du
capitalisme libéral et de la politique de la puissance
dominant le monde et de ses alliés. En conséquence, la lutte
contre la guerre devient une composante essentielle de notre
lutte contre la domination des classes capitalistes.
Cette
lutte contre la guerre passe par une bataille politique pour
en dévoiler les véritables enjeux, démystifier les
justifications « démocratiques », les mensonges d'Etat, le
cynisme des classes dominantes, pour mettre à nu le
véritable contenu de leur politique qui associe un nouveau
colonialisme financier à un nouveau colonialisme militaire.
Elle met au premier rang la lutte contre notre propre
impérialisme pour l’indépendance politique de la classe
ouvrière. Elle travaille à faire naître, face à la
régression sociale, démocratique et militariste, une
nouvelle conscience de classe, internationaliste et
socialiste.
Yvan Lemaitre