La dette publique, tribut payé par l’humanité à la finance
Depuis quelques semaines, les rodomontades sur la « sortie de crise » ont laissé place à la crainte que l’endettement des Etats n’en mène certains à la faillite. Après Dubaï, c’est la Grèce, dont la dette atteint 120 % du PIB qui est aujourd’hui au centre de ces inquiétudes, suivie, en Europe, par le Portugal, l’Italie, l’Espagne…
Mais,
pour diverses agences de notation (dont la spécialité est
d’évaluer la fiabilité d’un emprunteur à rembourser ses
dettes…), ces craintes concernent également les pays riches,
dont les « dettes souveraines » sont la « première
menace économique à moyen terme ». C’est le cas des
Etats-Unis, de la Grande Bretagne, ou encore de la France,
dont, d’après le rapporteur UMP du Budget à l’Assemblée
Nationale, la dette publique, aggravée par le Grand emprunt
de Sarkozy, devrait atteindre 90 %, voire 100 % du PIB en
2011. La charge de la dette, ce que l’Etat paye tous les ans
en intérêts augmenterait de 20 milliards, pour atteindre 80
milliards en 2012, soit une augmentation de 33 %.
On
nous présente ces dettes abyssales comme une conséquence
inévitable de la crise, le prix à payer pour relancer
l’économie et éviter le pire. Mais outre le fait que la
fuite en avant de l’endettement avait commencé bien avant le
déclenchement de la crise, elle est un des mécanismes
centraux de l’accaparement des richesses collectives par les
classes dominantes.
La
dette a permis à l’aristocratie financière internationale,
par le biais du FMI et de la Banque mondiale, de saigner à
blanc les populations des pays pauvres. Mais les dizaines de
milliards d’euros que l’Etat français verse tous les ans aux
frais du contribuable à ses créanciers le prouvent
largement : la dette publique est aussi un moyen, pour les
capitalistes, de s’assurer des profits sur le dos des
populations des pays riches. Elle constitue une garantie de
profits pour leurs capitaux, à l’abri des aléas de la
production industrielle et du crédit financier privé.
Avec
la crise du crédit et la récession économique, le phénomène
ne peut que s’accentuer. Pour faire face à des échéances
exceptionnelles qui trouvent leur origine dans le soutien du
système financier, l’Etat emprunte sur les marchés
financiers, c’est-à-dire aux Banques, ce même argent qu’il
leur donne par ailleurs sous forme d’aides… Et comme il leur
paye en plus des intérêts, c’est double profit pour ces
dernières !
Si
la crise est bien à l’origine de l’aggravation brutale de
l’endettement des Etats, cela n’est pas parce qu’ils y
seraient contraints par des lois économiques
incontournables, c’est afin que les capitalistes puissent
continuer à voir fructifier leurs capitaux malgré la
récession et la crise du crédit privé. Au risque de conduire
les Etats au bord de la faillite, c’est-à-dire à remettre en
cause leur capacité à assurer la charge de la dette...
Bien sûr, Woerth, ministre du
budget, a assuré que la charge du Grand emprunt, entre 800
millions et un milliard d’euros, n’entrainerait pas
d’augmentation d’impôts et serait « gagée sur les
dépenses de fonctionnement de l’Etat ». Pas touche au
bouclier fiscal donc, pas touche à la politique
d’exonérations de toute sorte à destination des patrons…
Par contre, la population
laborieuse continuera à payer la facture, par le biais des
impôts indirects comme la TVA et toute une flopée de taxes,
dont la dernière en date est la fameuse « taxe carbone »
proposée par le socialiste Rocard. Par le biais également de
la régression des services publics, des prestations
sociales, des retraites. Par les dizaines de milliers
d’emplois qui vont disparaître, si les travailleurs ne s’y
opposent pas, avec la poursuite de la politique d’économies
sur « les dépenses de fonctionnement de l’Etat »…
Impôts et dette publique sont les
deux pôles d’un mécanisme par lequel les Etats organisent à
grande échelle le transfert dans les poches d’une
aristocratie financière parasitaire d’une partie toujours
plus grande des salaires, des maigres revenus que la
population laborieuse du monde entier gagne par son travail.
La
crise accentue la tendance, conduisant le système à
l’impasse. Le premier ministre grec, Papandréou, envisageait
lundi, pour « rassurer les marchés obligataires », de
diminuer les prestations sociales et de geler les salaires
des fonctionnaires touchant plus de 2 000 euros par mois…
Mais il n’est pas dit que la contestation sociale ne
l’oblige pas à remballer son plan, expression du fait que
l’issue à la crise du capitalisme réside justement dans sa
contestation, sur le terrain de la lutte des classes.
Face
à la logique mortifère de la politique de la bourgeoisie, il
n’y a pas d’autre solution, pour les salariés et la
population, que d’exiger la satisfaction de leurs propres
intérêts. Et d’imposer la seule mesure raisonnable qui
puisse venir à bout de la spirale infernale de l’endettement
de l’Etat : l’annulation pure et simple de la dette
publique.
Daniel
Minvielle