Le dernier congrès de LO s’est déroulé
les 5 et 6 décembre 2009, un an après celui qui a voté
l’exclusion des camarades de la Fraction. Les trois rapports
soumis aux votes (La crise mondiale de l’économie
capitaliste, La situation internationale, La situation
intérieure [1]), la décision de
LO de présenter ses propres listes aux régionales et la
politique de la direction sortante ont été approuvés à
l’unanimité…
Dans
ses trois rapports, la direction de LO prend acte des
évolutions entraînées à tous les niveaux de la société, à
l’échelle mondiale comme intérieure, par trente années de
mondialisation libérale et impérialiste (sans en prononcer
le nom). A travers ses analyses, elle décrit, tout en se
gardant bien de le formuler, la nouvelle période qui s’est
ouverte, une nouvelle phase d’expansion du capitalisme
international qui a entraîné des transformations profondes
dans les rapports économiques et politiques et qui débouche
sur une crise majeure.
Une
nouvelle période qui ouvre de nouvelles perspectives et
exige une nouvelle politique de la part des militants
révolutionnaires… Un pas qui reste à franchir pour LO qui a
choisi de poursuivre sa marche solitaire. Malgré cela, elle
est bien obligée d’ébaucher des réponses aux questionnements
des militants et de ses proches sur le NPA, sur les voies et
les moyens de construire un parti des travailleurs, un parti
pour la transformation révolutionnaire de la société. De
façon quelque peu abrupte il faut dire !
Pour
LO, le NPA est une « organisation plus ou moins
d’extrême gauche »…, dont la politique s’inscrirait
en continuité de celle menée « depuis plus d’un
demi-siècle par l’extrême gauche petite bourgeoise »…,
qui « loucherait sur un accord avec le PG et le PCF »
pour les régionales…, qui serait un rassemblement gommant
« les différences entre communistes, socialistes,
anarchistes ou écologistes », ce qui le
rendrait en définitive incapable« de défendre la
perspective politique de la prise en main des destinées
de la société, à l’échelle mondiale, par le prolétariat »…Ni
plus ni moins ! Une incapacité dont LO, qui se considère
comme portant la seule alternative politique véritable
pour le prolétariat, auto-labellisée « communiste
révolutionnaire », « trotskyste », croit
certainement se protéger en concluant son rapport sur la
situation intérieure ainsi : « Il nous faut donc, en
même temps que nous poursuivons notre travail de
renforcement de notre implantation dans les entreprises,
recruter et former des militants. Et le mot former est
aussi important que le mot recruter. Il nous faut former
des militants décidés à lier leur sort à celui de la
classe ouvrière, quelles que soient les circonstances,
convaincus que la classe des travailleurs reste la seule
qui puisse ouvrir un autre avenir à l’humanité. Des
militants cultivés, ayant assimilé toutes les leçons que
l’on peut tirer de près de deux siècles d’histoire du
mouvement ouvrier.
Nous
ne construirons certainement pas le parti révolutionnaire
par la méthode du un, plus un, plus un. Mais, dans des
circonstances favorables, le parti peut de construire
vite, « à la vitesse de l’éclair » disait Trotsky, pour
peu qu’existe un noyau cohérent de militants compétents.
C’est ce noyau qu’il nous faut construire ».
Invoquer
Trotsky pour tenter de donner une crédibilité à la stratégie
de recrutement au « bouton de veste » à laquelle LO dit
elle-même vouloir se limiter ne suffit malheureusement pas à
donner une cohérence politique à ce qui n’est en fait… qu’un
manque de politique. Le noyau dont parle LO, c’est-à-dire le
parti, même à l’état embryonnaire, ne peut se construire
sans une compréhension globale, clairement formulée, de la
situation dans laquelle il agit, et sans une politique,
c’est-à-dire une participation active, directe, ouverte, aux
débats et aux luttes qui traversent l’ensemble de la
société. Penser qu’il suffit de produire des analyses, de
recruter, de former théoriquement des militants en vase
clos, n’a pas de sens. Ce n’est même pas ce que fait en
réalité LO mais ce raisonnement, sans grand lien avec les
leçons que l’on peut tirer de l’histoire, sert à justifier
un comportement sectaire et antidémocratique d’une direction
qui n’a aucune confiance en elle.
Cette
attitude se heurte en permanence à ses propres
contradictions. A la question du programme à mettre en avant
face à la crise mondialisée, LO répond en affirmant
l’actualité du Programme de transition écrit en 1938
par Trotsky comme programme de la IVème
internationale. Penser qu’un texte écrit il y a plus de
soixante dix ans peut constituer le programme des
révolutionnaires d’aujourd’hui relève d’une conception
étrange du marxisme. Trotsky écrivait pour son temps, dans
un contexte donné, pour répondre à une situation concrète.
Pas des « vérités éternelles » ! Par contre, ce qui est
toujours d’actualité dans le Programme de transition
- en plus de certains mots d’ordres comme celui de
l’interdiction des licenciements ou du contrôle du système
financier que LO met en avant dans son rapport et que nous
avons eu l’occasion de développer à plusieurs reprises -,
c’est la démarche elle-même, la démarche transitoire exposée
et mise en œuvre par Trotsky, produit d’une expérience
militante qui ne s’était certes pas constituée en vase
clos !
C’est
en nous appropriant cette démarche, en la confrontant à la
vie réelle, que nous pourrons écrire un programme de
transition pour aujourd’hui. Un programme qui devra
prendre obligatoirement en compte certaines de ces « revendications
sociétales » que LO écarte d’un revers de main au
prétexte qu’elles masqueraient la seule véritable
préoccupation qui vaudrait, selon elle, du point de vue de
la révolution : celle des aspects sociaux.
En particulier la crise écologique dont
LO ne dit pas un mot. Pourtant, personne ne peut nier que
les méfaits cumulés de l’expansion capitaliste sur
l’environnement font que la situation écologique devient une
véritable menace pour l’ensemble de l’humanité. La quantité
se transforme en qualité… La situation écologique exige des
réponses que la bourgeoisie est bien incapable d’apporter,
et les réponses réellement « durables » ne peuvent venir,
nous en sommes bien d’accord, que d’une révolution sociale.
Mais alors il n’y a pas d’autre solution que de les prendre
en compte, à leur juste place, dans notre programme pour la
révolution… [2]
Autre
aspect du débat, la question des élections : LO a décidé de
constituer ses propres listes, expliquant que, « pour les
révolutionnaires que nous sommes, le seul intérêt de
participer à ces élections (mais il n’est pas mince, et
c’est pour cela que nous devrons y être présents), c’est
de profiter de la petite tribune qui nous sera ainsi
ouverte pour défendre devant tous les travailleurs notre
programme, la nécessité pour la classe ouvrière, si elle
veut cesser de supporter tout le poids de la crise,
d’imposer son contrôle sur l’économie ». Notons au
passage l’oubli surprenant de l’intérêt pour le parti et la
population laborieuse d’avoir des élus révolutionnaires… à
condition, bien sûr, qu’ils gardent toute leur indépendance
vis-à-vis des majorités en place pour être d’authentiques
porte-parole des classes populaires…
LO
oppose son choix à celui du NPA, dont elle décrit ainsi la
politique unitaire : il « louchait sur un accord avec le
Parti de Gauche et le PCF…, se prononçait pour l’unité,
mais pas avec le PS avec lequel il ne serait prêt,
au second tour, qu’à des fusions techniques excluant tout
soutien au futur exécutif… »… Mot d’ordre de fusion
technique qui est liquidé d’une phrase : « Comme si le PS
pouvait sérieusement concéder des sièges à une formation
qui ne le soutiendrait pas ». Il est vrai que LO avait
contourné cette difficulté aux dernières municipales en
constituant dans certaines villes et dès le premier tour,
des listes communes avec le PS…
La
façon dont LO décrit notre politique unitaire montre surtout
son refus de discuter puisque, invitée aux réunions
unitaires, elle n’est venue qu’une fois ! Là encore, il
s’agit plus d’une justification que d’une discussion.
Certes, nous ne nierons pas que la démarche du NPA ait pu
manquer de clarté, mais ces faiblesses ne l’invalident
nullement.
Loin
de « loucher sur un accord » sans principe en vue
d’une « unité » mythique, il s’agissait de profiter de cette
précampagne, à travers les discussions sur la constitution
éventuelle de listes communes avec le PG, le PCF et quelques
autres, pour tenter de constituer un front de ceux qui
disaient vouloir s’opposer aux « effets dévastateurs »
de la crise. Un front qui aurait pu, à travers la tribune
que constituent les élections, contribuer à aider à la
convergence des luttes qui se développaient au début de ces
discussions. Un front se constituant autour d’un programme
de défense des travailleurs non pas tiré de nos lectures,
mais ancré dans les débats d’aujourd’hui.
La
bataille pour un tel programme de classe ne pouvait bien
évidemment avoir de sens qu’assorti d’une condition :
l’engagement préalable à ne pas participer aux exécutifs aux
ordres du PS. Autrement dit à ne pas aller soutenir, après
avoir été élus, une politique en totale contradiction de
classe avec celle défendue au cours de la campagne. Il n’y a
rien de bizarre à cela, pas plus que dans notre exigence de
refuser toute fusion politique avec le PS et de militer pour
des fusions techniques, ce qui relève de la même
logique. Quant au fait que le PS ne soit pas à priori
favorable à de tels accords de fusion technique, on se
demande bien en quoi cela pourrait justifier que l’on y
renonce si on les pense justes…
Certes,
la démarche unitaire que nous avons choisie n’a pas été un
long fleuve tranquille, et elle n’a pas abouti sauf,
probablement, dans quelques cas isolés où les accords sont
pour le moins contestables. Nous avons certainement manqué,
à tous les niveaux de l’organisation, y compris de sa
direction, de la rigueur nécessaire dans la conduite des
débats avec nos partenaires. Mais ces difficultés, dont il
n’est pas question de minimiser l’importance, étaient, de
fait, un passage obligé pour un parti qui ne peut se
construire qu’à travers ses expériences collectives, ses
confrontations avec la réalité, avec les préoccupations du
monde du travail, mais aussi avec ses propres limites
organisationnelles et théoriques. C'est-à-dire en faisant de
la politique. Aucun parti ne peut se construire autrement,
même « à la vitesse de l’éclair » ! Le mythe d’un
parti né armé de pied en cap, à la direction infaillible,
appartient à un passé que nous avons combattu, contre lequel
le courant trotskyste s’est construit.
La
politique menée par le NPA depuis qu’il existe peut
certainement faire l’objet de nombreuses critiques. Mais
elle a le grand mérite d’oser tenter de répondre aux
nouvelles exigences de la situation économique, sociale,
politique, aux besoins des travailleurs en regroupant des
militants d’origine diverses autour de principes fondateurs
partagés. Malgré les difficultés, le processus continue,
s’approfondit, connaît une nouvelle étape de clarification,
de nouveaux débats…
Bien
sûr, le NPA à besoin de poursuivre son implantation dans les
entreprises. Il a besoin de recruter et de former ses
militants, de s’approprier les idées, la méthode du marxisme
révolutionnaire, les enseignements vivants du trotskysme.
Tout cela ne peut s’accomplir, avoir des chances d’aboutir,
qu’à travers les débats d’idées se menant ouvertement,
s’adressant largement à l’ensemble des travailleurs.
Invoquer une orthodoxie mythique masque une dérobade devant
les responsabilités des révolutionnaires, une crainte de la
démocratie.
Et
c’est dans l’expérience collective, à travers aussi la
vivacité des débats, que prendront chair les armes dont nous
avons besoin pour nos luttes, que se constitueront les
noyaux militants, que se qualifiera et se sélectionnera une
direction, que se discuteront et se formuleront les
revendications transitoires, que se construira le parti. Car
le parti dont le monde du travail a besoin est un parti
démocratique, vivant, dynamique, un parti pour faire vivre
la démocratie sans laquelle il ne peut y avoir
d’intervention des travailleurs. Une perspective riche et
humaine, à laquelle nous ne pouvons qu’inciter les camarades
de LO à se joindre.
Daniel
Minvielle
[2] :
Plusieurs articles concernant l’écologie ont été
publiés dans Débat révolutionnaire. Lire en
particulier dans
le n°10 du 24 juillet 2009 : Intégrer la
question de l'écologie dans le programme socialiste,
lettre/dr10-a4.
Lire également dans le n°
555 de novembre 2009 d'Inprecor, une contribution de
Bruno Bajou au débat de préparation du prochain
congrès de la IVème internationale: A
propos du rapport sur le changement climatique de
Daniel Tanuro,
http://orta.dynalias.org/inprecor/~195525273361bca18b7763df~/article-inprecor?id=814