« La comédie de Londres » : la « régulation » ne peut venir que des travailleurs et des populations

Le sommet du G20 de Londres s’est tenu dans une ville en état de siège, sous la protection de milliers de flics qui se sont opposés parfois violemment aux manifestants venus crier leur colère contre le capitalisme et ses conséquences.

A peine le sommet terminé, les participants, posant, en toute modestie, aux dirigeants conscients de détenir le sort de la planète entre leurs mains, n’ont pas eu de mots assez forts pour se féliciter du travail accompli : ils se sont mis d’accord, malgré les « divergences » affichées avant le sommet, sur un communiqué commun !
Pour Obama, un tel exploit est un véritable « tournant historique », Gordon Brown salue « le jour où le monde s’est mis ensemble pour combattre la récession » et Sarkozy est « heureux », car pour lui, ce communiqué, c’est de la « refondation du capitalisme » pur jus !
Derrière les « divergences » annoncées à grand fracas avant le sommet, il y avait certainement des velléitésde contestation du leadership international des Etats-Unis, qu’Obama ne rate pas une occasion de réaffirmer.Sarkozy, à la pointe du combat, avait multiplié les interventions. Il menaçait de ne pas s’associer à un sommet« qui se conclurait par un communiqué de faux compromis qui ne se soucierait pas des problèmes qui nous préoccupent ». Affirmant qu’il fallait que les pays du G20 « accélèrent la réforme du système financier international, qu'ils reconstruisent, ensemble, un capitalisme rénové, mieux régulé, plus moral et plus solidaire », il se voulait, avec Merkel, le champion d’une « refondation du capitalisme », face aux USA et à la Grande Bretagne présentés comme y étant opposés…
Mais, comme prévenait Attali, qui connaît son monde, dans les Echos du 1er avril, « il n'y aura pas de nouveau Bretton Woods […] le FMI reste une annexe du Trésor américain.[…] le G20 vise à attendre la fin de la crise sans rien changer d'important. On pourrait presque comparer ce sommet à Londres à une réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vins... ». Et il qualifiait le sommet, dans un autre texte, de « comédie de Londres ».
De fait, au-delà des grandes déclarations de principe, la seule décision concrète du G20 réside dans le millier de milliards de dollars que les Etats se préparent, par le biais du FMI, à « injecter dans l’économie », sous prétexte d’aide aux pays les plus pauvres. Autrement dit dans la poursuite d’une politique de soutien des profits du système financier international. Quant à la lutte contre les paradis fiscaux, que Sarkozy se félicite tant d’avoir obtenue, elle consiste en la publication d’une liste…
Mais peu importe que ce communiqué ne soit, comme les précédents, qu’une liste de bonnes intentions assortie d’un nouveau cadeau à la finance. Tel qu’il est, il représente une « synthèse » à partir de laquelle chacun peut dire qu’il a obtenu ce qu’il voulait et qui n’engage personne. Le G20 a joué son rôle : donner aux dirigeants politiques de la planète l’occasion de jouer leur comédie, une sorte de « les médecins de l’économie » à la Molière, un bluff pour tenter de faire croire qu’ils ont la situation en main.
De fait, l’unité autour d’un« faux compromis » était incontournable. D’une part parce que les rapports de force internationaux, même s’ils évoluent, ne sont pas en mesure de remettre en cause le rôle dirigeant les Etats-Unis.
Ensuite parce que face à la contestation sociale qui monte de toute part du fait de l’approfondissement de la crise économique, il s’agissait d’apporter « l'oxygène de la confiance à l'économie globale et redonner foi dans l'avenir aux populations de tous nos pays » (Gordon Brown), de « donner un signal fort d’unité face à la crise » (Obama).
Et puis surtout parce que sur le fond, tous les dirigeants du G20, au-delà de leurs intérêts particuliers, n’ont qu’une politique à proposer : « attendre la fin de la crise sans rien changer d'important », c’est-à-dire sauver les profits et faire payer la crise aux populations et aux travailleurs.
C’est cette politique, ou plutôt sa poursuite, que Sarkozy a présenté le 24 mars dernier à Saint Quentin, ville dont le maire est Xavier Bertrand. Devant une claque de 4000 sympathisants de l’UMP réquisitionnés pour l’occasion, tandis que le centre ville était bouclé par 1300 flics pour éloigner les perturbateurs, il a prétendu faire « la pédagogie de sa politique contre la crise ». Un « cours » d’une heure et quart qui aurait coûté à l’Etat la bagatelle de 400 000 euros, et dont le contenu constitue une véritable offensive réactionnaire.
Pas question, a-t-il annoncé, de céder à la contestation : les réformes en cours seront menées jusqu’au bout, au nom de « l’intérêt de tous les Français ». Malgré un chômage qui augmente massivement avec la crise, l’Etat continuera à ne remplacer qu’un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux. Pas question non plus de toucher au bouclier fiscal. Bien au contraire, les cadeaux fiscaux aux patrons continueront, avec la suppression de ce qui reste de la taxe professionnelle que versent les entreprises aux communes…
Histoire de peaufiner son profil de justicier social, il s’en est pris aux entreprises et aux patrons qui, malgré la crise, et alors qu’ils reçoivent de l’argent de l’Etat, se versent des salaires et des primes pharaoniques. Le décret qui en a résulté ne concerne, tout compte fait, que huit entreprises, une « fanfaronnade », selon le mot de Parisot, d’autant plus ridicule que certains patrons n’ont pas traîné à trouver la parade, en augmentant la partie fixe de leur salaire pour compenser les baisses de la partie variable…
Il s’est présenté comme le véritable défenseur des plus défavorisés, de ceux qui, d’après lui, n’ont pas les moyens de faire grève et de manifester, face à la pression qu’exercent sur l’ensemble de la société les privilégiés qui ont les moyens de faire grève et de manifester à seule fin de défendre égoïstement leurs avantages sociaux.
Pour dénoncer ceux qui exploitent le désarroi et le désespoir des plus touchés par la crise pour les amener dans l’impasse de la contestation sociale, voire de l’anticapitalisme…
Sarkozy doit faire face à une crise politique qui ne cesse de s’aggraver. Cette crise s’est exprimée dans les grandes manifestations du 29 janvier et du 19 mars, bien sûr, mais aussi dans ce que le journal La Tribune appelle des « jacqueries », des salariés qui prennent l’initiative de se battre avec leurs propres méthodes, comme les séquestrations de patrons et de cadres. Cela se traduit aussi dans les sondages par le bas niveau de confiance que recueillent les dirigeants en place, tandis que les « anticapitalistes » n’ont jamais été aussi populaires…
La mauvaise comédie ne fait pas recette. La crise s’aggrave. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale annoncent que le PIB mondial sera en 2009 en recul de 1,7% à 2,5%. En France, il devrait chuter de 3,3%. Pour l'OCDE, le chômage « doublera quasiment par rapport à son niveau de 2007 dans les pays du G7 » (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume Uni, France, Italie, Canada). Le FMI, pour sa part, annonce une aggravation de la récession pour 2009. Et, d’après l’Insee, « sous l'effet du plan de relance, le déficit et la dette devraient s'envoler cette année pour atteindre respectivement 5,6 % du PIB et 73,9 % du PIB… ».
Cette crise n’est pas un phénomène extérieur au capitalisme, le produit d’un manque de « morale », « d’éthique » ou de « régulation », elle est une phase inévitable de son fonctionnement, le résultat direct de la course aveugle au profit. C’est pourquoi les comparses du G20 ont beau déployer tout leur talent de comédiens, ils sont condamnés à laisser la crise aller jusqu’au bout de sa purge destructrice, tout en tentant de contenir ceux qui, de plus en plus nombreux, non seulement luttent pour leurs revendications, mais contestent le système lui-même. C’est ce que cherche à faire Sarkozy en s’attaquant à l’anticapitalisme.
Mais c’est justement dans cette contestation anticapitaliste que réside la seule réponse à la crise économique : dans la remise en cause d’une société basée sur l’exploitation du travail humain, la propriété privée de la finance et des grands moyens de production, la concurrence et la recherche du profit maximum.
Des millions de personnes ont manifesté contre la politique de Sarkozy, des milliers de travailleurs, d’étudiants, de parents d’élèves, luttent tous les jours contre les réformes du gouvernement, contre les licenciements, pour des augmentations de salaire, pour des revendications qui leurs sont propres. Ces revendications ne s’opposent pas les unes aux autres. Chacune d’entre-elles s’oppose par contre frontalement au programme de Sarkozy, porteur des exigences des classes dominantes.
Rassemblées dans un plan d’urgence, elles constituent la seule réponse véritable à la crise : interdiction des licenciements, pas de revenus inférieurs à 1500 euros, augmentation immédiate de tous les salaires de 300 euros, arrêt de la casse des services publics et embauches massives dans les hôpitaux, les écoles..., expropriation des requins de la finance et constitution d’un véritable service public de crédit, sous le contrôle des travailleurs et de la population…
Un programme pour les luttes, qui pose nécessairement la question du pouvoir, de qui dirige l’économie, la question de l’expropriation de la poignée de parasites financiers qui conduisent le monde entier à la ruine et de l’établissement d’un contrôle démocratique de l’ensemble des travailleurs et de la population sur le fonctionnement de l’économie.
Un programme pour affirmer, par delà les frontières, partout en Europe : « Nous ne paierons pas leur crise ! »