La
tragédie dont est victime le peuple haïtien depuis le
tremblement de terre du 12 janvier qui a transformé le pays
en un champ de ruines et de désolation, a suscité un élan de
solidarité populaire qui tranche avec la lenteur des
secours. Une révolte, aussi, devant le déploiement militaire
des 10 000 marines dépêchés par les Etats-Unis et des
casques bleus de l'ONU. Certes, il s'agit d'assurer
l’acheminement des secours et des vivres, mais aussi et
surtout, de s’assurer dès maintenant le contrôle de la
population, du pays, des quelques infrastructures qui
restent dont l'aéroport. Pour justifier ce déploiement
militaire et policier, les télés, les journaux mettent en
valeur des actes de « pillage » et de violence. Mais comment
s'en étonner quand un peuple est condamné à combattre à
mains nues, sans eau ni vivres, la catastrophe qui s’est
abattue sur lui. Comment s'en étonner quand ceux qui
apportent les secours sont les soldats de ceux qui pillent
le pays depuis des siècles et qu'ils imposent à la
population leur occupation militaire.
La pauvreté, la misère qui
frappent la population depuis longtemps ne sont pas une
« malédiction » sans explication. Elles sont le produit
d'une catastrophe sociale qui s'appelle le colonialisme,
l'impérialisme, le pillage des peuples opprimés par les
grandes puissances occidentales. La compassion affichée par
Obama, Sarkozy et leurs amis est pour beaucoup une
hypocrisie, car cette pauvreté, ce dénuement, les Etats-Unis
et la France en portent l’entière responsabilité.
Haïti est devenu indépendant,
en 1804, à l’issue d’une révolution dirigée par Toussaint
Louverture qui imposa la fin de trois siècles d’esclavage
dans les plantations de canne à sucre. Les armées de
Napoléon envoyées rétablir l’esclavage furent mises en
échec. Mais Haïti dut payer jusqu’en 1888 un lourd tribut à
la France pour que celle-ci reconnaisse son indépendance,
tribut qui ruina le pays. Ce fut le début du pillage par la
dette qui n’a pas cessé après que la France a eu passé la
main aux Etats-Unis. L’esclavage salarié, pour 2 ou 3
dollars par jour aujourd’hui, fit la fortune des
capitalistes qui s’étaient approprié les meilleures terres
ou qui contrôlaient le commerce. Les Etats-Unis soumirent
entièrement l’économie du pays à leurs besoins, ruinant
l’agriculture et privant la population de ses moyens de
subsistance. C’est pour garantir cette juteuse exploitation
que l’Etat américain intervient en permanence dans la vie
politique du pays pour soutenir les dictatures et mater les
révoltes, toujours avec la complicité de la France. Ainsi,
en 1991, les USA ont-ils aidé au sanglant coup d'Etat qui
renversa le Président Aristide pour mettre au pas le
mouvement populaire dont il avait le soutien. En 2004, le
pays fut occupé par 6000 militaires et 1400 policiers
chargés d’y maintenir, sous l’égide de l’ONU, l’ordre des
maîtres du monde.
L'intervention des grandes
puissances pour porter secours à Haïti est dans la
continuité de cette terrible histoire d'oppression,
d'humiliation, de répression, de pillage qui a engendré la
profonde misère du peuple haïtien, son dénuement complet.
Elle répond davantage aux besoins des grandes puissances,
principalement ceux des Etats-Unis, qu'à ceux du peuple. Les
secours ont pour contrepartie le quadrillage du pays par les
forces armées, une occupation militaire plus pesante et,
dans l'avenir, une intégration encore plus poussée de Haïti
à la politique de l’impérialisme américain.
C'est bien pourquoi notre
solidarité, nos dons, s'accompagnent d'exigences qui
relèvent de la simple justice, du respect du peuple haïtien
: l’annulation immédiate de la dette, la fin de l’occupation
militaire, l’organisation des secours comme la gestion de
l'argent des dons sous le contrôle de la population victime.
La France qui
héberge toujours l’ancien dictateur, Jean Paul Duvalier,
doit restituer au peuple haïtien les 900 millions d’euros de
sa fortune personnelle qu’il lui a extorqués au prix de sa
sueur et de son sang. Elle doit ouvrir ses frontières à tous
les Haïtiens qui demandent l'asile et reconnaître
immédiatement les droits des travailleurs sans papiers
d'origine haïtienne.
Notre solidarité, c'est aussi
la lutte contre la politique de l'Etat français, pour le
respect des droits du peuple d'Haïti.
Galia
Trépère