Face aux déficits, c’est au capital qu’il faut s’en prendre, pas aux retraites, aux travailleurs ni aux services publics
Lors
de ses vœux aux partenaires sociaux, le 15 janvier dernier,
Sarkozy a fait d’une nouvelle offensive contre les
retraites, sa priorité pour 2010. A l’argument déjà ressassé
en 2003 du « vieillissement » de la population, il
a ajouté le « défi des finances » sociales et
publiques « que la crise met à mal ».
C’est
cet argument des déficits publics qui sert maintenant de
justification à toutes les attaques que patronat et
gouvernement portent contre ce qui reste de services
publics, les suppressions de poste dans les hôpitaux et les
établissements scolaires, la pression exercée contre les
collectivités territoriales alors que l’Etat n’a cessé de se
décharger de ses dépenses, sociales en particulier, sur les
départements, les communes et les régions. Oui, il y a
réellement, depuis l’éclatement de la crise, une explosion
des déficits. Le déficit annuel de l’Etat est passé d’une
cinquantaine de milliards d’euros fin 2008 à 138 milliards
d’euros fin 2009. Mais ce sont les subventions sans fond que
le gouvernement accorde aux gros actionnaires de la finance
et de l’industrie sous tous les prétextes -dont, au premier
rang aujourd’hui, la crise- et sous toutes les formes
imaginables, qui créent ce déficit abyssal. Quant au déficit
des caisses de l’assurance vieillesse, invoqué pour
justifier l’allongement de la durée de cotisation, le calcul
plus défavorable pour les salariés du montant des pensions,
voire les trouvailles comme le calcul par points ou en
compte notionnel que propose le dernier rapport du Conseil
d’Orientation des retraites, il faut le mettre en relation
avec le chômage, la précarité qui représentent un énorme
manque à gagner en termes de cotisations.
Mais
qu’importe, tout est bon pour justifier la diminution de la
part des richesses qui va aux travailleurs et à la
population. Et que dire de l’argument de l’augmentation de
l’espérance de vie ? Le progrès est invoqué pour justifier
la régression sociale !
Pour
contrer sur ce terrain les mauvais coups que le gouvernement
nous prépare, il est clair qu’il faudrait regagner le
terrain perdu en 2003 et, avancer comme objectif, au
minimum, de revenir à la situation d’avant 1993, lorsque le
gouvernement de Balladur avait fait passer, pendant l’été et
sans aucune réaction des syndicats, l’allongement de la
durée de cotisation des salariés du privé à 40 annuités.
Oui, il faudrait mettre en avant, comme l’avait fait la
partie la plus combative du mouvement en 2003, l’exigence du
retour à une durée maximum de cotisation de 37,5 ans pour
tous, privé comme public, un niveau de pension équivalant à
75 % au moins du meilleur salaire et qui ne soit pas
inférieur au Smic, et la possibilité d’un départ à la
retraite avant même 60 ans pour tous ceux qui ont commencé à
travailler très jeunes. Il ne faudrait pas craindre de
mettre en accusation la politique du patronat et du
gouvernement, dire qu’elle est entièrement au service de
l’enrichissement d’une poignée de privilégiés. Quelle
hypocrisie quand ils prétendent lutter pour l’emploi ! Ils
s’apprêtent à allonger la durée du temps de travail alors
que plus de 4 millions de travailleurs sont au chômage, et
en premier lieu, pour plus d’un quart, les jeunes !
A
peine Sarkozy avait-il rappelé ses intentions que le Parti
socialiste, en la personne de Martine Aubry, sa secrétaire
nationale, déclarait qu’on allait « très certainement »
vers un report du départ en retraite « à 61 ou 62 ans »,
laissant ainsi même entendre qu’elle reprenait à son compte
un des souhaits du Medef, la fin de l’âge légal de départ à
la retraite. La plupart des dirigeants socialistes
renchérissaient après elle. Rocard, en soulignant le « courage »
d’Aubry, Valls et Montebourg en souhaitant l’un un « pacte
national », l’autre « un compromis » avec le
gouvernement, Bartolone, un des amis de Fabius, et Le Roux,
porte-parole des députés PS à l’Assemblée, un « débat »,
« honnête » pour l’un, « sans tabou » pour
l’autre. Le lendemain, c’était Hollande qui déclarait dans
une interview au journal patronal La Tribune : « On
ne peut pas laisser espérer que nous allons distribuer
inconsidérément un argent que nous n'avons pas, ou
augmenter substantiellement les salaires, alors que la
compétition internationale fait rage. L'État n'est pas un
tiroir-caisse. Il doit donner un sens, être capable aussi
de préparer l'avenir : les retraites, la dette, la
mutation de l'appareil productif. »
Certes,
le Parti socialiste a fait machine arrière. Martine Aubry
parlait, a affirmé le bureau national du PS, de l’âge
effectif de départ à la retraite et non de l’âge légal. Elle
y mettait, par ailleurs, des conditions, l’examen de la
pénibilité, des années d’étude, etc. Oui, avant les
élections régionales, le Parti socialiste a jugé plus
prudent de faire machine arrière. Tout comme, du côté du
gouvernement, on a préféré faire pression sur Total pour que
le trust pétrolier qui devait annoncer la fermeture de la
raffinerie de Dunkerque, avec ses 780 salariés, en même
temps qu’un bénéfice d’environ 8 milliards d’euros, reporte
cette décision, ou encore que l’AP-HP retarde la suppression
des 3000 à 4000 postes prévus dans les hôpitaux de Paris...
Du
côté des confédérations syndicales, le ton est bien plus au
dialogue avec le gouvernement qu’à la mobilisation.
Chérèque, pour la CFDT, a même salué « l’évolution du
discours à gauche, notamment du Parti socialiste » sur
l’âge légal de la retraite. FO et la CGT se disent opposées
à l’allongement de la durée de cotisation, mais elles n’ont
pas refusé le rendez-vous que Sarkozy leur a donné le 15
février prochain pour déterminer « l’agenda social »de
2010.
C’est
dire s’il est nécessaire de mener le débat sur nos lieux de
travail et dans nos syndicats pour que les travailleurs et
les militants se convainquent de la possibilité d’imposer
d’autres choix et de la légitimité des revendications qui
répondent aux besoins de la population.
Les
revendications propres à la question des retraites, bien
évidemment, mais les caisses de retraites ne seraient pas en
déficit si le chômage était résorbé et les salaires
augmentés.
Face
aux déficits, il faut imposer l’arrêt des subventions
données aux grandes entreprises en pure perte pour la
collectivité, la récupération de celles qui ont été déjà
versées, imposer un contrôle des salariés et de la
population sur les comptes de l’Etat, utiliser l’argent
public pour les services publics, pour y embaucher
massivement.
C’est
aussi ce que nous dirons dans la campagne électorale des
régionales qui commence, contre la droite mais aussi contre
cette gauche qui prétend mener une autre politique alors
qu’elle ne fait que se plier aux exigences de l’Etat et du
patronat qui asphyxie financièrement les collectivités
locales.
Galia Trépère