Sarkozy et la droite sont discrédités, la pression du monde du travail à l’œuvre…
Le 15 février, Sarkozy recevait les
organisations syndicales pour discuter du calendrier de sa
contre-réforme sur les retraites. « La
réforme des retraites est trop importante pour qu'elle
ne soit pas conduite de manière concertée, ouverte et
sur la base d'un diagnostic partagé »
a-t-il déclaré. Une fois encore, reprenant les formules de
Raffarin, il compte sur la politique du dialogue social
pour faire passer sa contre-réforme, d’autant plus qu’il
se trouve en situation de faiblesse.
Sur le terrain politique, la droite
est discréditée. Ses manœuvres réactionnaires et populistes
au travers du débat sur « l’identité nationale » se
retournent contre elle, à un moment où des conflits sociaux
redémarrent sur les salaires ou contre les licenciements.
Dans un tel contexte, Sarkozy, qui avait prévu de faire
passer sa contre-réforme dès l’été, a dû annoncer un report
jusqu’en septembre pour tenter une manœuvre évidente : la
concertation pour donner le change et « au début du mois
de septembre, le gouvernement prendra ses responsabilités ».
Au sortir de ce « sommet social »,
cinq organisations syndicales se sont décidées à appeler à
une journée interprofessionnelle le 23 mars. Mais sur
quelles revendications et avec quelle stratégie de lutte ?
Jusque-là, les directions des
grandes confédérations n’ont avancé que des questions de
calendrier, sans formuler des revendications offensives et
claires sur les retraites. Le problème n’est pas d’avoir une
« vraie concertation » ou un « débat de fond »
avec Sarkozy comme elles le réclament, acceptant de jouer
leur partition dans ce jeu de dupes du dialogue social.
C’est cette même politique qui a conduit aux journées de
grève sans lendemain de 2009 et à l’isolement des luttes qui
se radicalisaient contre les licenciements, par volonté
d’éviter un affrontement avec le pouvoir.
Face aux attaques sur les
retraites, au million de chômeurs qui vont se retrouver en
fin de droits, aux attaques contre les fonctionnaires avec
la mobilité et à cette politique destinée à faire payer
chèrement la crise de leur système aux travailleurs, il
s’agit au contraire de construire un vrai rapport de force.
Dans ce contexte, les élections régionales prennent une
autre dimension politique, où la question sociale et celle
de quelle politique pour la lutte s’invitent au cœur de la
campagne.
Une
nouvelle campagne sur le « trou abyssal » des retraites…
Comme en 2003, la manœuvre de « concertation »
du gouvernement s’appuie sur une campagne tout azimut sur la
catastrophe annoncée des retraites… tentant de masquer les
milliards mis sur la table pour les banques l’année
précédente. D’autant que celles-ci ont largement profité de
cet argent pas cher mis à leur disposition par les Etats, à
l’image de la BNP qui annonce 5,8 milliards de bénéfice net
pour 2009, soit une hausse record de 93 % !
Maintenant, il faut faire payer
l’addition à la population et là, le bluff sur la
catastrophe démographique repart de plus belle avec
Darcos en tête : «
nous avons aujourd'hui 1,8 cotisant pour un retraité ;
dans une dizaine d'années, nous serons à 1,5 ; et en 2050,
à 1,2 ». Grand
visionnaire, il annonce même des déficits « abyssaux » à
l'horizon 2040-2050 entre 70 et 100 milliards d'euros !
Comme en 2003, le gouvernement nous ressert des prévisions
démographiques à 40 ans, avec des scénarios d’augmentation
de l’espérance de vie et de baisse du nombre de cotisants
alors que même le dernier rapport du COR prévoit une
augmentation de la population active !
Toute cette campagne ne vise qu’à
justifier des mesures pour faire payer la crise de leur
système au monde du travail, comme le font des gouvernements
de droite ou de gauche en Europe. En Grèce, Papandréou
promet de reculer l’âge de départ à la retraite de 63 ans à
65 ans pour séduire « les marchés ». En Allemagne,
Merckel parle de départ à… 69 ans. En Espagne, Zapatero a
déjà décidé que ce serait à 67 ans au lieu de 65 ans.
Les mesures « sans tabous »
du gouvernement sont du même tonneau : « lever la
barrière des 60 ans » ; augmentation des cotisations,
en évoquant une baisse des cotisations chômage pour
compenser alors que l’Unedic est en déficit et que 1 million
de chômeurs vont se retrouver en fin de droit ; retraite par
points, individualisée et sans prise en compte des périodes
de maladie ou de chômage ; remise en cause de la prise en
compte des 6 derniers mois pour le calcul de la pension dans
la fonction publique… La volonté du gouvernement est on ne
peut plus claire.
…
relayée par le Parti socialiste
Cette campagne est même relayée par
le PS qui aspire à jouer son rôle de parti prêt à gouverner
les affaires des classes dominantes. Après la déclaration
d’Aubry sur le passage « à 61 ou 62 ans », les offres
de service pour être associé à la discussion dans le but
d’un « consensus national » sur les retraites ont été
claires et entendues par Fillon. D’autres postulants au
pouvoir pour 2012 y sont allés aussi de leur déclaration
comme Hollande pour qui « l'espérance
de vie s'allonge, il faut allonger la durée de cotisation »
ou Fabius qui réclame « plus de souplesse dans
l'effectivité » du droit à la retraite… Mais la
pression de l’opinion du monde du travail, juste avant les
élections régionales, les oblige à freiner leurs ardeurs.
Baisser
les retraites pour payer le déficit creusé par la
finance
Reculer l’âge légal au nom de
l’allongement de la durée de vie est une nouvelle fausse
évidence. Prétextant que les salariés entrent plus tard dans
la vie active, l’allongement est présenté comme une
nécessité incontournable.
Sauf que dans la réalité, une telle
mesure ne peut que se traduire par une baisse très
importante des pensions de retraite. Les patrons ne veulent
pas garder les salariés les plus âgés et souvent mieux
payés. En 2006, seulement 54 % des actifs de 55 à 59 ans
occupaient un emploi, dont une forte proportion à temps
partiel. À 60 ans, il n'y en avait plus que 40 %, les autres
étant au chômage, en invalidité, en préretraite ou dispensés
de recherche d'emploi. Reculer l’âge de la retraite en
augmentant encore les annuités pour une retraite à taux
plein ne pourra que multiplier les retraites avec décote.
Quant à la propagande sur le
développement de « l’emploi des seniors », rien ne
justifie de travailler plus longtemps avec les progrès
techniques d’aujourd’hui. Cette propagande est d’autant plus
révoltante que 22 % des jeunes sont frappés par le chômage !
En fait, le recul de l’âge légal
s’inscrit dans la continuité des autres contre-réformes qui
ne visaient qu’à baisser les retraites : l'allongement de la
durée de cotisation, passée à 40 ans et bientôt 41 (au lieu
de 37,5 ans avant 1993), le calcul de la retraite sur les 25
meilleures années au lieu de 10 pour les salariés du privé,
ainsi que l'indexation sur les prix (et non plus sur les
salaires) ont conduit à une baisse des pensions de près de
20 %. Plus d'un million de retraités vivent en dessous du
seuil de pauvreté !
Le
problème des retraites, c’est le partage des richesses
Les déficits des caisses de
retraite sont la conséquence même de la politique des
classes dominantes, qui pour accroître leurs profits n’ont
eu de cesse de « baisser le coût du travail » avec
l’aide des gouvernements successifs.
Cela s’est traduit par le recul,
aggravé d’année en année, des salaires par rapport au coût
de la vie. Dans le même temps, le patronat profitait
d’exonérations « abyssales » : près de 65 milliards
d'euros ! Les exonérations de cotisations sociales sur les
salaires représentaient à elles seules plus de 21 milliards
d'euros en 2008 !
Mais le déficit est aussi la
conséquence directe des licenciements massifs qui se sont
accélérés. Plus de
400 000 postes de travail ont été détruits en 2009. L’Etat a
eu la même politique, en supprimant 100 000 emplois depuis
2007. Bilan : on compte aujourd'hui 3,8 millions de
chômeurs, soit 500 000 de plus en un an.
Pour défendre ses droits
fondamentaux, le monde du travail doit s’attaquer de front à
cette politique. Cela signifie mettre en œuvre une politique
pour les luttes et leur convergence en rompant tous les « diagnostics
partagés » avec le gouvernement.
Les
directions syndicales continuent d’esquiver
l’indispensable affrontement
Juste avant le fameux « sommet
social », en grande pompe à l’Elysée, l’intersyndicale
n’a pu s’entendre que sur la question du calendrier de « concertation ».
« La priorité est
de réclamer le temps d'avoir un vrai débat national »
a déclaré la CGT. « Il faut un calendrier très clair et
sur la durée. Les concertations n'ont même pas commencé
qu'on voit déjà le gouvernement lancer de nombreuses
pistes. C'est inquiétant » s’inquiète la CFDT… Comme
si la concertation avec Sarkozy, Fillon ou Darcos pouvait
être autre chose qu’une manœuvre du gouvernement pour tenter
de paralyser le monde du travail.
C’est pourtant la question de
l’affrontement avec le pouvoir qui se retrouve posée, comme
en 2009. Sur ce terrain, Chérèque a été clair en
déclarant qu’une initiative avant les régionales
constituerait « une manifestation à caractère politique »…
Comme si la lutte pour les retraites n’était pas une lutte
politique, du monde du travail face à la bourgeoisie et à
tous ceux qui la servent ou aspirent à le faire. Quant au
terrain politique, Chérèque ne s’est pas gêné pour soutenir
Aubry après ses déclarations en déclarant : « un
consensus sur les retraites serait intelligent. La France
n'a pas besoin d'un conflit d'un autre temps sur ce sujet »…
Du côté de la CGT où la pression
d’équipes militantes qui veulent en découdre avec le
gouvernement se fait sentir, Thibault a déclaré : « c'est
bien un plan de rigueur qui se prépare (…). Nous sommes
avertis, il n'y a aucune raison d'attendre ». Mais en
même temps, il n’a d’autre politique que de s’aligner sur la
CFDT ou la CFTC au nom de « l’unité » qui lui sert de
paravent.
Sur le fond, Thibault se place dans
la même optique du « dialogue social » avec le
gouvernement, en déclarant devant Sarkozy lors du sommet
social du 15 février : « Les
amortisseurs sociaux classiques ne suffisent plus, en
témoigne le problème des chômeurs en fin de droits. Si,
comme nous le craignons, un plan de rigueur se prépare,
c'est susceptible de provoquer une explosion sociale ».
C’est bien au contraire cette
révolte qui s’accumule dans le monde du travail qui peut
changer la situation. Au lieu de la craindre comme le font
les appareils, il s’agit de la renforcer politiquement, de
la faire converger au travers d’une politique et d’un
programme pour la lutte. C’est dans cette perspective qu’il
s’agit de préparer la journée de grève du 23 mars.
Le
gouvernement est en difficulté, préparons la convergence
des luttes pour inverser le rapport de force
Sarkozy voulait soumettre à sa
politique les syndicats comme la gauche, en pratiquant
l’ouverture… mais la pression des travailleurs, le discrédit
croissant de sa politique dans la population met en échec
ses plans.
La pression des travailleurs
s’exerce de partout et rencontre la sympathie et la
solidarité. Des
luttes redémarrent sur les salaires comme à Ikéa, Sanofi,
Rhodia ou face aux licenciements et aux suppressions
d’emplois comme à Total, Philips, etc.
Les travailleurs ne sont pas dupes
des discours sur la sortie de la crise pour justifier les
mauvais coups actuels, d’autant que les profits des banques
ou du CAC 40 suscitent une révolte grandissante. Dans le
même temps, de
nouveaux licenciements se préparent dans l’automobile où
un rapport prévoit près de 50 000 destructions d’emplois
dans les deux ans après les 35 000 de l’année dernière. La
loi de mobilité contre les fonctionnaires avec la menace
explicite de licenciement est une arme pour imposer un
plan de restructurations à l’échelle de l’Etat. La
politique des bas salaires se poursuit partout, les
patrons profitant de la pression du chômage. Dans ce
contexte, la question des retraites est un point de
convergence.
Il s’agit aujourd’hui de construire
la convergence des luttes à la base, en tirant le bilan des
luttes de l’an passé, en partant des initiatives des équipes
militantes qui cherchaient à se coordonner par-dessus la
tête des directions syndicales. Les Conti, qui avaient
commencé à le faire l’ont encore rappelé à leur sortie du
tribunal, où Xavier Mathieu a déclaré : « Nous allons
soutenir, dans leur lutte, nos autres camarades qui sont
victimes de ses patrons voyous. Aujourd’hui les salariés
de l’usine Goodyear sont là pour saluer cette victoire.
Demain nous serons à leurs côtés pour garder leur usine
debout ».
De même, sur les retraites, il
s’agit de regrouper des collectifs, des militants syndicaux,
politiques, leurs organisations, des travailleurs, qui
aspirent à l’unité pour se battre. Dès maintenant et sans
attendre le 23 mars, il faut rediscuter des revendications,
de la légitimité des 37,5 annuités pour tous, du lien avec
la lutte pour les salaires ou contre les licenciements, du
rapport de force qu’il nous faut construire.
Cela signifie formuler une
politique sur le terrain de la lutte de classe, rompant avec
tous les « diagnostics partagés ».
Dans ce contexte, les élections
régionales vont être une étape importante. Il est clair que
les rapports de forces politiques qui en sortiront auront
des conséquences sur les marges de manœuvre du gouvernement.
Mais du point de vue des luttes, ces élections sont aussi le
moyen de populariser une politique, un programme d’urgence
sociale face à la politique des classes dominantes, qui peut
donner à cette grève du 23 mars un tout autre contenu que
celui voulu par les directions syndicales.
Il nous faut formuler une politique
pour la généralisation des luttes, convaincre des
possibilités d’inverser le rapport de force, de la
légitimité des exigences du monde du travail. C’est sur ces
bases que nous appelons à voter pour nos listes, les listes
du NPA, pour encourager les luttes et créer les conditions
de leur convergence.
Laurent
Delage