8 mars 2010 : affirmer la continuité de la lutte pour l’égalité des sexes
Le
8 mars, cela fera 100 ans que Clara Zetkin, militante de la
IIème Internationale, aura proclamé avec ses
camarades la naissance de la journée internationale des
femmes, en hommage aux ouvrières du textile qui, aux
Etats-Unis, avaient mené une série de grèves très dures
l’année précédente. Une journée de lutte qui marquera le
début de la Révolution russe de 1917…
Aujourd’hui,
ce combat est tout aussi actuel. Au cours du mouvement de
révolte du peuple iranien ces derniers mois, c’est une
femme, Neda, en lutte contre le régime et pour la liberté
des femmes contre l’intégrisme religieux, qui en est devenue
un symbole. Le lien entre féminisme et lutte des classes est
profond, indissoluble, même si aujourd’hui bien des
féministes voudraient l’effacer sous la pression du recul
général.
Depuis
les années 1970 où il avait connu son apogée en imposant, en
particulier, le droit à la contraception et à l’avortement,
le mouvement féministe a connu un recul progressif puis, à
partir de 2005, une grave crise, principalement à travers
l’évolution de Ni Putes Ni Soumises dont la principale
dirigeante, Fadela Amara, a fini ministre de Sarkozy. Cette crise participe du
recul général du mouvement ouvrier et de la gauche.
En
même temps, le mouvement féministe est devenu de plus en
plus mondial, et il pose, comme lors de la Marche Mondiale
des Femmes qui commence le 8 mars, le problème des rapports
à la propriété et au contrôle des ressources naturelles…
Dans le cadre même du recul, se créent les bases d’un nouvel
essor du féminisme, au cœur même des classes exploitées.
L’avenir de ce mouvement, auquel nous participons, est
pleinement dépendant de sa capacité à se lier au mouvement
ouvrier.
Il
est patent que le féminisme « réformiste » a révélé toutes
ses limites. Son évolution s’inscrit dans une
évolution plus globale qui se traduit par l’intégration,
l’adaptation de la social-démocratie au capitalisme libéral.
Cette adaptation est le plus court chemin vers la remise en
cause des acquis, y compris sur le terrain de la lutte pour
l’égalité des sexes. Les concessions minimes obtenues sur ce
plan, parité en politique, plus d’égalité professionnelle,
de l’éducation à la sexualité, l’ont été au prix d’une
capitulation sur le terrain social et politique qui a ouvert
la porte à une offensive réactionnaire et laissé le terrain,
dans les milieux immigrés ou issus de l’immigration, à
l’influence croissante des religieux.
Sur le terrain social et économique,
les discriminations, l’oppression s’accentuent à nouveau :
les femmes gagnent 27 % de moins que les hommes à
qualification égale, leurs retraites sont aussi inférieures
de 40 % à celles des hommes. Les femmes sont toujours
soumises à la double journée de travail, et ce sont elles
qui assument le plus souvent l’éducation des enfants. Ainsi,
95 % des familles monoparentales sont-elles dirigées par des
femmes. Mais il y a aussi les violences faites aux femmes,
et les nombreuses entraves juridiques et matérielles à la
liberté de disposer de leur corps et à contrôler leur
maternité -27 % seulement des pays dans le monde
autorisaient en 2003 l’avortement « sans motivation »-,
voire le simple droit démocratique de divorcer... Avec la
mondialisation, l’immigration économique et climatique a
aussi fait augmenter la prostitution, voire la traite, dans
des proportions inégalées.
Les
avancées, les acquis se perdent, alors que la société
regorge de moyens d’améliorer les conditions de vie,
d’éléments d’éducation et de socialisation de plus en plus
grands. On en arrive même à des reculs comme considérer que
le port du voile est une « liberté », ou que la prostitution
est « librement choisie »…
Ce
recul renvoie au recul général du mouvement ouvrier, de
l’unité de la classe des exploités tant il est vrai que la
lutte contre l’oppression spécifique des femmes est
indissolublement liée à la lutte contre la société de
classe. L’oppression des femmes n’a pas une cause
biologique, mais bien sociale. Elle est née avec
l’appropriation privée du travail apparue avec l’esclavage,
lorsque les forces productives ont atteint un certain stade
de développement engendrant l’apparition de la propriété
privée et l’exploitation de la femme et des enfants par
l’homme. Elle ne peut trouver de solution radicale dans le
cadre d’un système où règnent la marchandise et la propriété
privée, mais au contraire, dans une société où les
travailleurs et la population contrôleront ce qui est
produit et comment, pour décharger les femmes du fardeau du
travail domestique et faire en sorte que le travail social
ne soit plus de l’exploitation, mais la participation à un
projet collectif librement pensé.
Il
est nécessaire aujourd’hui de redonner toute sa force au
lien entre le mouvement ouvrier et le mouvement féministe,
pour œuvrer à l’unité de tous les exploités. Cela implique,
entre autres, la lutte contre les intégrismes religieux, les
justifications morales et physiques à la subordination des
femmes, à la négation de leur liberté. Cela implique d’être
aux côtés des femmes iraniennes qui se battent contre
l’intégrisme et le port du voile. Le combat pour l’unité des
exploités est indissociable de la défense des idées les plus
avancées : égalité totale hommes femmes, économique,
juridique, sociale, droit à la contraception et à
l’avortement libres et gratuits, et aussi une conception
matérialiste de la vie et du monde, sans superstitions ni
préjugés religieux qui font de la femme un être inférieur
entaché par la faute originelle, le péché, et qui doit donc
se nier dans son corps pour ne pas « tenter »…
Notre
combat, celui de notre émancipation en tant que femmes,
c’est le combat pour le socialisme. Notre émancipation est
impossible sans notre plein accès au travail social, notre
libération des tâches domestiques, donc, sans une société où
ces charges seront réellement effectuées par la collectivité
et non plus par chaque cellule familiale isolée. Une société
débarrassée des préjugés sociaux qui brident les libertés et
les personnalités, en particulier féminines, où possession
et rivalités seront des mots dépassés par des relations
libres et collectives. Une société où les producteurs,
hommes et femmes, contrôleront autant la production et la
distribution des richesses socialisées, la gestion des
services publics, que leur natalité et leurs relations
personnelles.
Impossible
de combattre la vieille société capitaliste et sa morale,
complètement dépassée par rapport aux possibilités
matérielles, technologiques, scientifiques, humaines qu’elle
ouvre, sans la participation active et enthousiaste des
exploités, et en premier lieu les plus opprimées, les
femmes.
Combattre
la morale bourgeoise qui soumet les consciences dans le
cadre d’une société dominée par la propriété privée et
maintient les femmes dans un rôle subalterne et dépendant,
est une tâche quotidienne que nous menons contre toutes les
formes d’aliénation, masculine comme féminine. Elle vise à
l’unité du monde du travail, par delà les frontières, pour
encourager l’intervention des femmes des milieux populaires
à l’action sociale et politique, à visage découvert, libres
actrices des luttes d’émancipation.
Monica
Casanova