1er mai : solidarité internationale contre les prédateurs de la finance !
L'antagonisme entre les classes
possédantes, le monde de la finance, et les travailleurs,
les classes populaires, prend un contenu chaque jour plus
violent. Face à la fuite en avant des capitalistes dont la
seule politique est de faire payer les populations par delà
les frontières, en s'en prenant à l'ensemble des droits
sociaux, aux retraites, aux salaires, à l'emploi, le
problème de la capacité collective du monde du travail à s'y
opposer se pose de façon aiguë.
A la veille du 1er mai,
il est difficile de dire quelle en sera l'ampleur. La
combativité du monde du travail est bien là, malgré la
discrétion des médias pour en rendre compte. Les luttes sur
les salaires, pour l'emploi, mais aussi contre la remise en
cause du service public comme à la SNCF, se multiplient,
dans les grandes comme dans les moyennes ou petites
entreprises. Mais la nécessité de leur coordination, et de
leur prise en main par les salariés eux-mêmes afin de se
donner les moyens de les diriger jusqu'au bout, ne s'en pose
qu'avec plus d'acuité.
La CGT, la CFDT, la FSU, Solidaires
et l'Unsa ont appelé ensemble « les salariés du privé et
du public à réussir un grand 1er Mai en manifestant
nombreux ». Bien des militants souhaitent que ce jour
de lutte internationale des travailleurs pour leurs droits
soit une réussite face au gouvernement, au patronat. Mais
chacun s'interroge sur la suite, comment transformer le
rapport de forces, se dégager du piège du « diagnostic
partagé », des pseudo « consultations » au
sommet pour construire le mouvement à la base, de la façon
la plus large possible pour être en mesure de faire reculer
le gouvernement, en premier lieu sur les retraites.
« C'est pas dans les salons,
c'est pas à Matignon... »
Du fait de l'accélération de la
crise et des attaques, la conscience des enjeux et de la
réalité des rapports de force grandit dans le monde du
travail, mais cette lucidité est aujourd'hui accompagnée de
trouble, d'hésitations. La politique des directions
syndicales laisse nombre de militants désemparés, elle
accroit les doutes, le sentiment d'impuissance, mais aussi
la contestation au sein des syndicats.
Le chassé croisé organisé par
Woerth et Tron dans leurs bureaux où se succèdent Thibault,
Chérèque et l'ensemble des responsables syndicaux ainsi que
les dirigeants politiques tels Bayrou, Aubry, Le Pen,
Buffet, bientôt Mélenchon... ne dupe personne. Les ministres
« consultent » à tour de bras, font la liste de leur
tableau de chasse et les fauteuils n'ont pas le temps de
refroidir... mais les déclarations des syndicalistes à la
sortie ne font que révéler leur impuissance, telle celle de
la secrétaire générale de la FSU : « Si c’est pour
aboutir au final à des régressions pour les salariés du
privé, ou pour les fonctionnaires, nous ne serons pas
d’accord »... ou leur duplicité quand Chérèque ou
Thibault critiquent la... « précipitation » de
Sarkozy, une « forme d'alarmisme qui ne se justifie pas »préciseThibault...
Quant à « l'interpellation commune en vue du sommet
social » entre Sarkozy et les syndicats -dont la
prochaine réunion se tiendra le 10 mai- sa conclusion
affirme que « les organisations syndicales CFDT, CGT,
FSU, Solidaires, UNSA, n’accepteront pas un passage en
force ». Qu'accepteraient-elles donc, que vont-elles
chercher, qui veulent-elles convaincre ?
Pendant ce temps, Woerth a pris la
main, joue le match sur son terrain et révèle l'impuissance
de ceux qui se plient à son jeu de dupes. A côté, le « palmarès
2010 des dirigeants du Cac 40 » s'affiche en une des
journaux : 79,5 millions d'euros, c'est le total provisoire
de leurs revenus sur un an, sans compter les stocks options
et autres actions gratuites... Le premier de l'équipe,
Franck Riboud, PDG de Danone, totalise cette année 4,4
millions d'euros de « rémunération », soit 366 ans de
SMIC.
Défendre nos intérêts de
classe, nous organiser
Le décalage s'amplifie entre la
conscience qu'ont les travailleurs de la réalité des
rapports sociaux et les contorsions, les phrases creuses de
ceux qui cherchent à masquer à quel point l'espace pour eux
se réduit. Sur ce terrain, il n'y a plus de « grain à
moudre » pour reprendre l'expression de Bergeron,
ancien dirigeant de FO, il n'y a plus que des reculs à faire
semblant de négocier. Les appareils cherchent aujourd'hui à
surfer sur les masses, mais ils raisonnent en fonction de
leurs intérêts propres, pas du point de vue des intérêts du
mouvement.
L'heure est à la discussion à la
base au sein du monde du travail et de sa fraction
militante, de façon indépendante vis-à-vis des appareils,
entre les premiers intéressés : comment transformer le
rapport de forces et nous donner les moyens de diriger
nous-mêmes nos luttes pour enrayer l'offensive ?
La récente grève à la SNCF éclaire
la situation et pose bien des questions non seulement aux
cheminots mais à tous les militants. Une grève qui a duré 15
jours dans nombre de régions, continuant à s'étendre malgré
une stratégie de la CGT qui ne visait pas, c'est le moins
qu'on puisse dire, à répondre aux besoins du mouvement.
Didier Le Reste, dirigeant de la CGT cheminots, voulait la
grève, mais de façon bien « particulière » : une grève
fragmentée, avec pas moins de 7 préavis différents,
n'appelant qu'une partie des cheminots, à tour de rôle. Dupe
de lui-même, obnubilé par ses rivalités en particulier avec
Sud Rail, Le Reste a manœuvré, utilisé la volonté de lutte
des cheminots, des militants qui ont pris au sérieux l'appel
à la grève. Suffisamment au sérieux pour tenir face aux
provocations de Pepy et du gouvernement, au dénigrement de
plusieurs autres syndicats, au black-out de la presse, et
pour que nombre d'AG animées par des militants SUD et CGT
appellent à la reconduction et à l'élargissement alors même
que Le Reste annonçait la fin du mouvement. Mais de fait pas
suffisamment pour se donner en toute lucidité les moyens de
contrôler et diriger leur mouvement, lui donner
l'homogénéité et la cohésion dont l'appareil CGT ne voulait
pas.
Car ce n'est pas la combativité qui
manque aujourd'hui au monde du travail. Les nombreuses
luttes en attestent, que ce soit pour les salaires à Fralib (thés Lipton et Elephant) en
grève depuis 8 semaines, Airbus, Unilever, à la Poste, la
Caisse d’Epargne, dans le commerce, la presse écrite et dans
une multitude d'entreprises de toutes tailles à l'occasion
des NAO (négociations annuelles obligatoires). Mais aussi
des luttes contre les licenciements comme à Surcouf, à
l'usine de tissus automobiles PTPM dans la Marne,
sous-traitante de PSA, à Sullair Europe (fabrication
d’outils pneumatiques) à Saint-Etienne et bien d'autres. Des
luttes qui touchent aussi des secteurs jusque là moins
organisés de la classe ouvrière, les salariées de la petite
enfance, ceux du Samu social... Des luttes radicales, qui
dénoncent les injustices sociales et exigent le droit à
vivre décemment de son travail, le respect des droits
fondamentaux et posent le problème du partage des richesses,
de leur utilisation.
La lutte qui s'engage pour les
retraites concerne l'ensemble du monde du travail, les
échéances sont pour tous les mêmes. Elle est l'occasion de
coordonner et de donner une cohésion à la révolte que ces
luttes expriment, à la volonté de rendre les coups et
d'exiger son dû.
Le journal Les Echos cite
un dirigeant CGT : « on peut mobiliser pendant l'examen
du texte par les parlementaires [en septembre] et
l'emporter alors. C'est ce qui s'est passé avec le CPE »
Certes, mais il faut alors revenir
sur la lutte qui a conduit au retrait du CPE. Une lutte qui
a réussi à exprimer la contestation et la révolte non
seulement de la jeunesse mais de l'ensemble des générations
et qui a su trouver en elle-même la liberté et
l'indépendance nécessaires à l'expression démocratique de
cette contestation. Une liberté et une démocratie portées
pour une large part par les étudiants qui ont transformé
pendant plus d'un mois tous les amphis de fac en forums
politiques permanents, y invitant les militants du monde du
travail. Une lutte marquée par la forme d'organisation des
étudiants avec une coordination nationale de lutte faisant
le lien entre les villes, centralisant les initiatives, se
donnant les moyens d'intervenir de façon coordonnée et
d'exercer une réelle pression sur les organisations
syndicales, trouvant les moyens d'entraîner leurs parents,
leurs profs, contribuant à donner à l'ensemble du monde du
travail, à ses militants, les moyens de faire reculer alors
Chirac, Villepin et Sarkozy.
La loi promulguée, la lutte ne
s'est pas arrêtée, la jeunesse continuant à scander « Chirac,
Villepin, Sarkozy, votre période d'essai est terminée ».
Et on ne peut que faire le parallèle avec la lutte de 2003
où une fois la loi Fillon sur les retraites adoptée, CGT,
FO, UNSA et FSU avaient appelé en juin les salariés à...
pétitionner et « exprimer leurs exigences revendicatives
en matière de retraite sous forme d’une adresse
exceptionnelle aux députés et sénateurs »...
Alors les retraites sont
probablement un tout autre enjeu pour le gouvernement et le
patronat que ne l'était l'article de loi sur le CPE. Mais
les liens militants tissés à l'époque à travers les comités
de lutte où se côtoyaient militants syndicaux du privé et du
public, militants associatifs, politiques et jeunes
étudiants -des liens qui s'étaient pour certains construits
dans le mouvement de 2003 ou au cours de la campagne contre
le TCE en 2005- ces liens ne demandent qu'à se renouer si
une compréhension commune des rapports de force et de la
situation sociale et politique se construit.
Cela nécessite l'échange, la
confrontation, la discussion à la base entre les premiers
intéressés, les salariés, les chômeurs, les jeunes, loin des
préoccupations d'appareils, des soucis de reconnaissance.
Elle nécessite la démocratie la plus large, la mise en
commun des expériences, des succès, des échecs. C'est la
priorité de l'heure alors que la crise s'approfondit, que
l'offensive du patronat et du pouvoir redouble. De leur
côté, les démagogues ne vont pas manquer dans les semaines
et mois qui viennent pour nous dire que, non, demain on ne
rasera pas gratis mais que, comme l'assure Martine Aubry, « nous
voulons une société du bien être, une société du respect,
une République citoyenne, décente, solidaire, apaisée,
ouverte, fière d'elle-même »... avec ce nouveau slogan
du PS : « le bien être plutôt que le tout avoir ».
Strauss-Kahn, l'autre présidentiable du PS, ne peut pour le
moment se permettre tant de poésie, lui qui expliquait il y
a quelques jours « il n'y a pas d'autre issue possible
pour les Grecs que de devenir plus compétitifs » avant
de préciser « cela signifie des salaires en baisse »,
ajoutant quelques jours plus tard « les citoyens grecs ne
doivent pas craindre le FMI, il est là pour les aider »
!
Alors demain 1er mai,
nous avons tout intérêt à être le plus nombreux possible
dans la rue, à entraîner les militants, les travailleurs qui
hésitent, pour profiter de cette journée de la solidarité
ouvrière pour mener et amplifier le débat démocratique entre
militants, entre travailleurs, pour préparer la suite.
L’occasion pour les travailleurs de dire leur confiance en
leur propre force !
Isabelle Ufferte