La
crise de la dette et des déficits en Grèce menace le
Portugal et l’Espagne et fragilise la zone euro. L’offensive
déclenchée par l’ensemble des Etats européens pour rassurer
les marchés, c'est-à-dire les financiers et les
spéculateurs, les plans d’austérité ouvrent une période de
régression généralisée qui conduit, à plus ou moins court
terme, à une récession et un nouvel épisode aigu de la crise
boursière et financière. Plus personne ne croit aux litanies
des Lagarde et autres sur la sortie de crise. Celle-ci est
chronique, c’est celle d’un capitalisme dépassé,
réactionnaire, incapable de mettre les progrès techniques au
service des besoins humains. L’économie de marché, la
concurrence, la financiarisation de l’économie libèrent
l’avidité sans limites des possédants détruisant sur sa
route les solidarités et les acquis sociaux pour mettre à nu
la violence de l’exploitation.
Tenter
de prendre la mesure des évolutions en cours, de leurs
conséquences sociales et politiques est indispensable pour
définir les perspectives et les tâches du mouvement
anticapitaliste dans les mois qui viennent, préoccupation
qui est au centre des discussions ouvertes au sein du NPA.
Le défi de la fondation du NPA prend toute son importance,
sa signification au regard des nouveaux développements
économiques, sociaux, politiques. C’est au cœur même de ces
développements que nous trouverons la force de relancer la
dynamique, dans le besoin et la nécessité pour le monde du
travail de reprendre l’offensive.
Les
Etats au cœur de la tourmente
La
crise ouverte par la crise des subprimes aux USA en 2007
connaît une troisième phase, conséquence même de la
politique des classes dominantes et des États pour
sauvegarder leurs propres intérêts au détriment de
l'ensemble de la population. Pour enrayer la crise
financière, empêcher l’effondrement des banques et freiner
la récession, les Etats ont généreusement ouvert de
nouvelles lignes de crédit aux capitalistes au prix d’une
aggravation de leur endettement. Ils ont accentué la
politique engagée déjà depuis plus de deux décennies. Cela
au point que les pays les plus faibles de l’UE sont en
situation de faillite comme la Grèce ou au bord de la
faillite comme le Portugal ou l’Espagne. Mais c’est bien
l’ensemble des Etats européens qui ont ainsi creusé leur
déficit, accru leur endettement auprès des banques privées.
C’est aussi l’ensemble de l’économie mondiale qui vit sur la
base d’un gonflement de l’endettement des Etats comme des
particuliers.
Cette
crise de l’endettement est l’expression de la contradiction
de fond de l’économie capitaliste. La folle course au profit
dans laquelle les classes capitalistes entraînent toute la
société est devenue une spéculation généralisée, globalisée
qui anticipe les profits à venir par le crédit, crédit aux
particuliers pour entretenir les ventes alors que s’exerce
une pression sans cesse croissante pour limiter le pouvoir
d’achat, subventions, aides de toute sortes aux
multinationales et aux patrons pour accroître la rentabilité
financière, faire face à la concurrence, aujourd’hui
garantir les profits des banques pour assurer la marche du
système, éviter son effondrement… Et cela alors que ces
mêmes Etats ont diminué les impôts des plus riches sous
prétexte d’augmenter la consommation…
Cette
folle fuite en avant creuse sans cesse l’écart entre le
gonflement de la masse de capitaux à la recherche de
nouveaux profits et les possibilités de la production et de
la vente de marchandises à satisfaire cette avidité sans
fin. La course au profit se heurte aux limites d’un marché
que les capitalistes eux-mêmes restreignent. Le gonflement
du crédit vise à y pallier, jusqu’au moment où il faut
solder les comptes. Ce furent la crise des subprimes et la
crise financière qui ont contraint les Etats à se porter
garants des banques au prix d’un nouveau gonflement de leur
propre dette auprès de… ces mêmes banques. Car le comble est
que ces Etats empruntent à ceux-là même aux quels ils
prêtent… Ainsi, l’Etat français, les administrations
publiques ont versé au titre du service de la dette, en
2008, 54,6 Mds euros d'intérêts à leurs créanciers, soit en
gros l'équivalent de l'impôt sur le revenu.
Pour
faire face, les Etats capitalistes européens se comportent
comme les capitalistes privés, licencient, diminuent les
salaires, remettent en cause la protection sociale, vendent,
privatisent les services publics… Ils entretiennent les
causes de la crise qu’ils prétendent résoudre.
Cette
maladie de l’endettement, dont la crise des subprimes a été
le premiersymptôme, touche l’ensemble de l’économie, elle
est la conséquence d’un développement sans limite du crédit
dans le seul but d’entretenir la machine à faire des
profits. Elle ne pourra pas trouver d’issue sans en finir
avec la domination de nouvelle aristocratie financière qui
soumet les Etats et la société à ses propres intérêts, sa
soif de richesse et de domination.
Cette
nouvelle phase n’est pas la fin du libéralisme mais bien la
conséquence de la soumission des Etats à la politique
libérale des classes dominantes. Elle l’accentue.
Elle
souligne le tournant que connaît l’économie mondiale et clôt
la période où les tenants du libéralisme pouvaient prétendre
que l’économie de marché apportait le développement
économique, la démocratie et la paix. L’économie de marché,
de la libre concurrence apparaît de plus en plus clairement
aux yeux des populations synonyme de régression sociale,
démocratique, de crise écologique.
S’ouvre
ainsi une période inédite d’instabilité économique, sociale,
politique, terrain de bouleversements dont l’issue
progressiste et démocratique dépend de la capacité
d’intervention des travailleurs et des populations. La
politique des anticapitalistes vise au regroupement des
forces du monde du travail autour d’un programme de défense
de leurs droits remettant en cause le pouvoir social et
politique de l’aristocratie financière et des
multinationales, leur regroupement sur la base de la défense
de leurs propres intérêts en toute indépendance des Etats,
des institutions comme des partis qui limitent leur horizon
à ces dernières.
L'Europe
capitaliste contre les travailleurs et les peuples
La
crise de la dette a été le révélateur des contradictions qui
sont au cœur de la politique européenne des grandes
puissances. Leur Europe est un espace de libre échange
répondant aux besoins des multinationales et dans le même
temps préservant les privilèges nationaux des différentes
bourgeoisies ainsi que ceux de leurs Etats. La faiblesse de
l’UE a fait de l’euro la cible naturelle des rapaces de la
finance après qu’ils eurent dépecé la Grèce. Elle illustre
l’impuissance des bourgeoisies et des Etats à construire une
Europe démocratique et de progrès. Entre leurs griffes, la
seule Europe qui puisse voir le jour est celle de la
régression sociale, de la domination des banques sous la
houlette de la France et de l’Allemagne, une Europe des
régions, morcelée et divisée comme l’illustre la crise de la
Belgique menacée d’exploser sous la pression de la politique
antisociale et antidémocratique de ses classes dirigeantes.
Les
tendances protectionnistes que peut alimenter l’offensive
des Etats et de la commission de Bruxelles contre les
nations les plus faibles ne représentent en rien, par
elle-même, une solution. Contre toute tendance au repli
national, la défense des droits des travailleurs, de la
démocratie s’inscrit dans la perspective d’une Europe des
travailleurs et des peuples contre l’Europe de la BCE et des
banques. Leur Europe, c’est la remise en cause de tout ce
qui à un titre ou à un autre protège un tant soit peu les
travailleurs, une Europe éclatée, où les régions seront
mises en concurrence pour mieux soumettre les salariés et
les populations aux besoins des multinationales.
Notre
Europe, c’est celle de la coopération des peuples. Il n’y a
pas d’issue à la crise hors du cadre européen, c’est bien
pourquoi le projet du NPA s’inscrit dans la perspective du
regroupement des anticapitalistes au niveau européen. Un tel
regroupement implique une politique pleinement indépendante
des jeux institutionnels, parlementaires nationaux, une
politique réellement internationaliste, qui n’a d’autre
ambition que de représenter les intérêts de la classe
salariée.
L'alternance
au service des classes dominantes
La
défaite de la droite et le succès de la gauche libérale,
Parti socialiste et Europe écologie, aux dernières élections
régionales ont donné une nouvelle crédibilité à l’idée d'un
possible retour aux affaires de cette dernière à l’occasion
des prochaines échéances électorale, la présidentielle et
les législatives. La crise de la dette fixe par avance le
cadre dans lequel s’inscrira la politique du Parti
socialiste quel que soit son candidat. Le sinistre rôle de
Dominique Strauss Kahn à la tête du FMI et le vote à
l’Assemblée nationale du PS avec l’UMP de l’aide aux
créanciers et aux usuriers de la Grèce devraient en
convaincre comme leur solidarité sans faille avec le
socialiste Papandréou. Et c’est bien pourquoi le programme
du PS, y compris sur la question des retraites, reste flou,
imprécis cherchant à masquer derrière des formules générales
son adaptation et sa soumission à l’économie de marché et à
l’Europe de la libre concurrence.
Si
nous sommes solidaires de celles et ceux qui veulent battre
la droite et pensent pouvoir le faire dans les élections,
nous militons pour armer la méfiance des travailleurs
vis-à-vis de cette gauche libérale. Le sort des
travailleurs, leur capacité à contrecarrer les plans de la
bourgeoisie ne dépendent pas du calendrier électoral. Et,
dès maintenant, indépendamment des échéances électorales,
nous nous définissons comme un parti fidèle à la défense des
intérêts des travailleurs, quel que soit le gouvernement, un
parti d'opposition ouvrière et populaire.
Nous nous
faisons les porte-parole du mécontentement, de la colère du
monde du travail qui ne se reconnaît pas dans la gauche
libérale ou ne fait pas confiance aux directions des
confédérations syndicales et se réfugie dans l’abstention.
Nous voulons construire une autre perspective, une réelle
alternative liant les exigences quotidiennes, les
mobilisations sociales à la nécessité de s’attaquer à la
propriété capitaliste, financière et à son pouvoir pour
imposer le contrôle de la population, conquérir la
démocratie, le pouvoir politique.
Le
Front de gauche, une politique à vocation majoritaire…
au parlement
Ce
nouveau contexte politique et social accentue la divergence
qui avait conduit à la rupture au niveau national lors des
discussions sur les régionales avec le Front de gauche :
notre refus de nous situer dans l’objectif de constituer des
majorités avec le PS et Europe écologie. Aujourd’hui, comme
l’écrit le PC dans le texte de son congrès d’étape, « L’espoir
renaît de battre la droite en 2012 et cela va structurer
le paysage social et politique dans les deux années à
venir ». En effet, et toute sa politique comme
celle du Front de gauche est conditionnée à la participation
à une majorité parlementaire pour aller au gouvernement
quelles que soient par ailleurs les contradictions qui
existent entre le PC et le PG ou dans leurs relations avec
le PS ou Europe écologie. Les rivalités entre le PC et le
PG, les ambitions personnelles ne sauraient masquer ce point
d’accord de fond entre eux, « la révolution par les urnes »
de Jean-Luc Melenchon ! Cette perspective est une impasse
comme le démontre l’histoire de la gauche, ses reniements,
ses capitulations.
La
nouvelle donne rend caduque la politique d’alliance
électorale que nous avions eue à son égard pour les
régionales et cela quels que puissent être demain les choix
du Front de gauche ou de ses différentes composantes quant à
une éventuelle participation gouvernementale. Il ne s’agit
pas de discuter si le Front de gauche réussira à mener à
bien son orientation mais de cette orientation politique et
du désaccord fondamental qu’elle exprime avec notre propre
politique. Politique que, pour notre part, nous inscrivons
dans une autre stratégie, une stratégie de rupture avec les
institutions et le capitalisme s’appuyant sur les
mobilisations, le rassemblement, l’organisation démocratique
des travailleurs.
Notre
politique unitaire vise la construction d'accords et de
politiques communes dans les mobilisations pour préparer un
mouvement d'ensemble, maintenant, sans les subordonner aux
échéances électorales, bien au contraire, en toute
indépendance d’elles. Notre bataille unitaire pour les
élections régionales visait à regrouper sur le plan
politique pour défendre les exigences des travailleurs et de
la population afin d’aider aux mobilisations. Nous restons
sur la même orientation ce qui signifie qu’il n’y a pas
d’alliance possible avec le Front de gauche sur le terrain
électoral.
La
bataille unitaire engagée autour de la défense des retraites
doit attirer notre attention sur les risques de laisser
s’établir une division des tâches entre les luttes qui
seraient réservées aux directions syndicales tandis que les
partis et associations devraient se limiter à une lutte dite
idéologique. Cette division des tâches ne répond pas aux
intérêts des salariés. Notre politique unitaire vise à
l’unité du monde du travail et de ses organisations sur un
programme de lutte. Elle a pour condition la démocratie au
sein du mouvement social, c'est-à-dire notre pleine et
entière liberté de défendre notre politique pour mener le
débat avec les autres forces politiques et syndicales, les
influencer, entraîner leurs militants sur le terrain
politique des luttes de classes. Elle est aussi
indissociable de notre politique pour aider à l’auto
organisation, à la prise en main, à la direction de leurs
mobilisations et de leurs luttes par les travailleurs
eux-mêmes.
Une
dynamique démocratique pour un parti de la lutte de
classe
Après
les premières réactions aux ravages de la politique
patronale et gouvernementale de l'hiver et du printemps 2009
étouffées par les directions syndicales, la lutte pour le
retrait du projet gouvernemental sur les retraites ouvre de
nouvelles perspectives. Le succès de la journée du 24 en
atteste. Celle-ci ne fait que commencer, s’y confrontent les
différents courants du mouvement ouvrier, leurs politiques
et leurs programmes. Elle intervient comme un facteur de
politisation.
Nous
y militons en combinant la construction de cadres unitaires
démocratiques, ouverts, intervenant dans la mobilisation et
la défense d’exigences qui ne se plient pas à la logique de
la réforme pour la contester et la discuter à la marge.
L’unité, le regroupement pour organiser un mouvement
d’ensemble ne peut se faire et être efficace qu’en rupture
avec la politique du dialogue social.
Cette
situation donne une importance toute particulière à notre
travail politique en direction du monde du travail. Nous
militons dans les organisations syndicales, nous y
participons activement à la défense des intérêts immédiats,
quotidiens des salariés, nous y développons la critique de
la politique des directions des grandes confédérations, la
défense d’un programme d’urgence face à la crise. Nous avons
la volonté de contribuer à l'émergence d'une nouvelle
conscience de classe, à donner une politique à celles et
ceux qui rompent avec la politique des directions des
grandes confédérations. D’où l’importance de notre
intervention politique sur les lieux de travail, de notre
travail d’organisation pour enraciner notre parti dans le
monde du travail.
L'ensemble
de l'évolution de la situation économique, sociale et
politique converge pour souligner à quel point le défi que
nous avons décidé de relever en constituant le NPA répond à
un besoin profond, celui d’un parti en opposition avec la
politique de la gauche libérale, en indépendance de la
gauche anti-libérale, un parti pour les luttes sociales et
politiques du monde du travail, de la jeunesse.
Il
s’agit de nous donner les moyens d’agir dans les
entreprises, sur les lieux de travail, les quartiers pour
contribuer à l’organisation du monde du travail et de la
jeunesse pour faire vivre la démocratie afin que ces
derniers se donnent les moyens d’intervenir collectivement
pour faire valoir leurs droits et participer à la
transformation de la société. Œuvrer à la convergence des
luttes, des mobilisations, militer pour l’unité du monde du
travail et de la jeunesse, c’est débattre et discuter avec
l’ensemble des militants du mouvement social, syndical,
courants politiques nationaux et locaux antilibéraux,
anticapitalistes et révolutionnaires, rechercher la
confrontation politique nationale ou locale en défendant
notre propre orientation de parti d’opposition ouvrière et
populaire qui milite pour l’indépendance des organisations
syndicales ou associations démocratiques vis-à-vis de la
gauche libérale et de tout gouvernement respectueux des
institutions.
Notre
travail politique, y compris dans le cadre électoral et
institutionnel, participe de la lutte pour inverser les
rapports de forces, construire un mouvement d’ensemble.
Dans
notre propre activité, dans les associations, syndicats où
nous militons, dans les luttes comme dans les élections,
nous défendons une orientation anticapitaliste indépendante
autour d'un programme pour sortir de la crise et répondre
aux besoins fondamentaux des travailleurs et des classes
populaires qui pose la question du pouvoir, de qui dirige la
société au nom de quels intérêts. La situation d’instabilité
et de crise créée par la politique des classes dominantes
vient souligner l’idée qu’il n'est pas possible de
satisfaire les besoins de la population sans remettre en
cause le pouvoir des classes dominantes et les institutions
à leur service, c'est à dire sans tracer la perspective d’un
gouvernement démocratique des travailleurs en rupture le
capitalisme, s’appuyant sur les mobilisations populaires
appelées à exercer leur contrôle sur la marche de la
société.
Yvan Lemaitre