Engager l’affrontement
Le 7 septembre se prépare à être une journée très importante de grèves et de manifestations. Loin d’être retombée depuis la journée du 24 juin, la révolte contre la politique du gouvernement s’est approfondie avec les suites de l’affaire Woerth-Bettencourt qui révèle à quel point le pouvoir défend les intérêts des plus riches.
Alors
que la crise politique s’approfondit à droite, entre les
affaires et la fuite en avant dans la politique xénophobe
avec les expulsions des Roms, la question des objectifs et
des suites à la manifestation du 7 septembre est largement
posée. Bien des travailleurs et des militants en ont assez
de ces journées d’action sans lendemain et cherchent une
politique pour réellement transformer le rapport de force
face au pouvoir, dans la rue, par la grève.
Cette
pression s’exerce sur les directions syndicales, qui après
le succès du 24 juin ont appelé à cette initiative dès la
rentrée. Thibault annonce que « la CGT lancera des appels
à des assemblées générales de personnel dans un maximum
d’endroits pour discuter (des suites) avec les salariés »…
mais en même temps, l’intersyndicale n’a pour le moment
annoncé aucune initiative entre le 7 septembre et la journée
européenne de la CES le 29 janvier, alors qu’une véritable
journée de grève générale est indispensable pour développer
la lutte contre le projet de loi du gouvernement.
Les
directions des grandes confédérations restent, quant au
fond, sur la politique du dialogue social, se refusant de
mettre en avant, sans ambigüités, la lutte pour le retrait
du projet de loi. C'est ce qui vient de permettre à Chérèque
de faire un appel du pied au gouvernement en lui proposant
d'amender son texte à la marge.
Mais
face au gouvernement et aux classes possédantes qui veulent
imposer des reculs majeurs à l’ensemble du monde du travail,
c’est bien la question de l’affrontement avec le pouvoir qui
est à l’ordre du jour.
La
démagogie xénophobe de Sarkozy se retourne contre lui
Durant
l’été, les suites de l’affaire Woerth-Bettencourt ont
continué de révéler au grand jour la réalité de ce
gouvernement des riches par les riches. Alors que les
discours sur la rigueur à destination des classes populaires
se multiplient, tout le monde a pu découvrir que la
milliardaire Bettencourt s'est fait rembourser 32,6 millions
d'euros au titre du bouclier fiscal début 2007 sur ses
revenus 2006 déclarés à 77,7 millions d'euros... Alors
qu’elle reçoit plus de 200 millions d'euros annuels de
dividendes de l'Oréal chaque année ! Bettencourt aurait
ainsi reçu 100 millions d’€ sur les quatre dernières années
sur les caisses de l’argent public ! Et ce serait aux
travailleurs de payer la facture de la dette… creusée par
les largesses du gouvernement envers les plus riches ainsi
que par les subventions et les dégrèvements de cotisations
sociales dont profite largement le patronat.
A
cela se sont ajoutées les révélations sur les mœurs de ce
petit monde de privilégiés, les cadeaux divers et variés
attribués par Woerth ministre du Budget et trésorier de
l’UMP : vente bradée de l’hippodrome de Compiègne, légion
d’honneur à De Maistre avec mensonge à la clef, sans parler
de celle attribuée à Robert Peugeot, le même qui dînait en
tête-à-tête avec Woerth juste après un vol de lingots d’or
d’origine plutôt douteuse…
Malgré
les tentatives d’intimidation du pouvoir en juillet, lorsque
Bertrand invectivait les journalistes de Mediapart en
parlant de « méthodes fascistes », les tentatives de
blanchiment du procureur Courroye proche de Sarkozy, la
crise politique se poursuit avec un Woerth qui a le culot de
se poser maintenant en victime.
Face
à cette situation, Sarkozy a tenté de reprendre la main fin
juillet sur le terrain des préjugés xénophobes et racistes
avec les expulsions de Roms. Mais cette grossière manœuvre
se retourne contre lui, y compris à droite où les rivalités
de pouvoir accentuent la crise comme en témoignent les
déclarations de Villepin, Rachida Dati, etc. Les « ministres
de l’ouverture », qui ont servi jusque-là la politique
populiste de Sarkozy, tentent de se démarquer… un peu, pour
rapidement intégrer le giron du gouvernement.
La
politique du pouvoir, c’est la fuite en avant réactionnaire,
avec les déclarations xénophobes et racistes d’Hortefeux qui
annonce qu’à Paris, « un auteur de vol sur cinq est un
Roumain »… pendant que Besson prévoit d’aggraver
davantage la loi sur l’immigration en alimentant les
préjugés de café du commerce sur les « abus » des immigrés
sur la protection sociale.
Le
dialogue social à la rescousse du gouvernement
Toute
cette situation fragilise le pouvoir au moment même où il
veut imposer un pas décisif de son plan de rigueur avec la
contre-réforme des retraites. Fin août, Sarkozy et Woerth
ont tenté d’utiliser à nouveau le « dialogue social » pour
reprendre l’initiative. Dans un communiqué, Sarkozy a
annoncé « son souhait qu'il soit tenu compte de la
situation de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus
dure que les autres », se réservant des amendements à
la marge sur la pénibilité. Woerth a même proposé de
rencontrer les syndicats avant la manifestation du 7
septembre. Celles-ci ont refusé en déclarant qu’il n’y avait
rien de nouveau… tout en attendant ce que le gouvernement va
proposer comme amendement à son texte.
Profitant
de cette situation, Chérèque vient de prendre les devants,
en faisant quatre propositions au gouvernement : report du
passage à 67 ans (âge de la retraite à taux plein) en 2018
et négociations sur la pénibilité, les carrières longues et
les polypensionnés.
Déclarant
vouloir« faire
avancer tout ce qui permettrait d'atténuer les effets de
la réforme », Chérèque
la soutient en annonçant dès maintenant au gouvernement
qu’il est prêt à accepter le passage à 62 ans comme âge de
départ à la retraite et même les 67 ans pour le taux plein,
puisqu’un report ne changera rien sur le fond. De même, il
est prêt à diviser le mouvement en le réduisant à une
négociation à la marge sur la pénibilité ou les longues
carrières, participant à la manœuvre du gouvernement pour
tenter de désamorcer la crise sociale qu’il craint tant.
Contester
le pouvoir et sa politique de régression sociale
La
manœuvre de Chérèque prend appui sur la politique de
l’intersyndicale et des grandes confédérations syndicales
qui ne veulent pas parler de la lutte pour imposer le
retrait du projet de loi du gouvernement. Dans son
communiqué du mois d’août, non signé par FO qui n’avance pas
d’autre politique sur le fond, elle déclarait : « le
gouvernement et les parlementaires doivent entendre la
mobilisation des salariés et répondre à leurs
revendications pour d’autres choix en matière de
retraites, d’emploi et de pouvoir d’achat »… comme
s’ils n’avaient pas déjà clairement affirmé leur volonté de
faire payer la crise de leur système au monde du travail,
comme s’ils n’avaient pas déjà répondu par un projet de loi
qui signifie un recul majeur sur la question des retraites !
Durant
l’été, Chérèque déclarait sans être contesté par Thibault :
« les carottes ne sont pas cuites : ce sont les députés
qui font les lois (...) et on va faire pression sur les
députés pour qu'ils changent cette loi ». Mais faire
pression sur qui ? La droite ? Le PS, qui réaffirme à
nouveau avec Fabius : « Pour nous, la retraite à 60 ans
est une sorte de bouclier pour les personnes les plus
modestes ayant commencé à travailler tôt, mais nous disons
aussi que la plupart des salariés verront, avec le temps,
l'âge effectif de la retraite augmenter, et nous actons
l'allongement de la durée de cotisations » ?
Le
7 septembre ne doit pas être une manifestation pour aider la
gauche au parlement, mais le point de départ d’un
affrontement pour exiger le retrait du projet de loi de
Woerth et revenir sur toutes les contre-réformes depuis 93,
en particulier les 37,5 annuités pour tous.
Cela
signifie ne pas craindre l’affrontement dans la rue en se
laissant détourner par ceux qui voudraient enterrer la lutte
dans les élections.
Discuter
la perspective de la grève générale
Ne
pas craindre l’affrontement, c’est opposer le pouvoir de la
rue, de ceux d’en bas à celui des Woerth, Bettencourt, de ce
gouvernement des riches par les riches. C’est assumer
pleinement la contestation politique et la crise qu’elle
provoquera. Alors que le gouvernement est en difficulté, les
directions syndicales n’osent même pas s’engager dans la
bataille en dénonçant l’illégitimité de Woerth, mouillé
jusqu’au cou dans les affaires, tant elles sont intégrées à
la politique du dialogue social. « Un vrai problème »
ont déclaré dans un interview commun aux Echos Chérèque
et Thibault. Pour ce dernier l’affaire « polluait »
le débat, alors qu’elle révèle aux yeux du plus grand nombre
le sens politique même de la contre-réforme des retraites :
assurer les profits des capitalistes, des banquiers, des
actionnaires en s’en prenant à l'ensemble du monde du
travail.
A
l’opposé des préoccupations d’appareil, la journée du 7
septembre doit servir à faire entendre la colère du monde du
travail, son refus de faire les frais de la crise et son
envie d’en découdre. L’exigence du retrait doit s’exprimer
le plus fort possible.
De
même, la lutte pour les droits sociaux se combine avec la
défense des droits démocratiques remis en cause par le
gouvernement. Les mesures réactionnaires et xénophobes
d’Hortefeux et de Besson s’inscrivent dans cette offensive
des classes possédantes pour imposer l’injustice et la
régression sociale.
Le
4 septembre doit préparer la manifestation du 7 septembre.
Il ne s'agit pas de défendre la République des
colonialistes, des Versaillais massacreurs de la Commune. Il
s'agit de faire entendre les exigences démocratiques des
classes populaires frappées par la crise, à l’opposé des
références à la « sûreté républicaine », au moment
même où Aubry claironne que « la crédibilité a changé de
camp » sur le terrain de la politique sécuritaire ou
que Royal relance son projet de redressement des jeunes
délinquants par les militaires.
Sur
le terrain des retraites, nous devons prendre toutes les
initiatives pour construire l’unité de celles et ceux qui
militent pour le retrait, pour faire céder le gouvernement
dans son offensive contre le monde du travail. Il s’agit de
construire des collectifs de militants du mouvement,
regroupant des travailleurs, des jeunes, des militants
syndicaux, politiques, c’est-à-dire des cadres collectifs et
démocratiques pour la mobilisation et l’animation de la
lutte.
Dans
les entreprises, les services, les écoles,… des AG ont lieu
sur les suites du 7 septembre, la reconduction. Menons le
débat collectivement en intégrant la question de la
reconductible dans la perspective de la grève générale. Un
fort succès le 7 septembre doit servir à préparer la suite.
Dans les syndicats, la pression doit s’exercer pour réclamer
une vraie journée de grève générale avant le 29 septembre,
permettant aux secteurs où la reconduction est possible de
s’appuyer sur un mouvement d’ensemble pour y parvenir.
Mais
un tel mouvement d’ensemble ne pourra se construire que sur
des objectifs clairs, sur la base de la contestation du
pouvoir, de sa politique. Partout, faisons entendre
l’exigence du retrait de la contre-réforme Sarkozy-Woerth le
plus fort possible.
Laurent Delage