Mettre fin au pillage des richesses par l'oligarchie financière
Depuis
une quinzaine de jours, la crise européenne de la dette
connaît une nouvelle accélération, avec une attaque
spéculative sur l’Irlande, plombée par la dette publique et
les difficultés de ses principales banques. A la demande du
gouvernement, près de 90 milliards d'euros du Fonds européen
de stabilisation financière ont été débloqués par l'Union
européenne, la BCE et le FMI, un "plan de sauvetage" destiné
aux banques, qui est accompagné, comme de bien entendu, d'un
plan d'austérité féroce à destination de la population
irlandaise, une véritable mise sous tutelle.
Cette
« intervention d’urgence » qui
prétendaità calmer la
boulimie des « marchés » n’a fait que la nourrir. Et si l’on
pouvait dire lundi dans les Echos : « le
sauvetage de l'Irlande est lancé. Les craintes de
contagion aux autres Etats périphériques de la zone euro
retombent... », le ton changeait dès le lendemain : « les
marchés s'inquiètent des prochaines victimes, à savoir le
Portugal et éventuellement l'Espagne... les experts ont
beau affirmer que les besoins de l'Irlande, du Portugal et
de l'Espagne peuvent être pris en charge pour les trois
prochaines années, si nécessaire, les craintes enflent...
la dégringolade de l'euro s'accélère... »
La
crise de la dette publique en Europe continue donc de plus
belle, tandis qu'un rapport récent de l'OCDE revoit à la
baisse les perspectives de croissance pour l'ensemble de
l'économie mondiale. Tendance confirmée par la banque
centrale américaine, la FED, pour les États-unis où les
prévisions de croissance sont revues à la baise et celles du
chômage à la hausse.
Crise
de la dette, guerre des monnaies, perspectives de reprise en
berne…, les discours sur la reprise imminente ont fait long
feu. Comment pourrait-il en être autrement alors qu’en guise
de remède à la crise et en contrepartie des milliards de
cadeaux aux banques, le gouvernement irlandais, les
dirigeants de l’UE, de la BCE et du FMI prétendent faire
ingurgiter à la population irlandaise un plan d’austérité
qui prévoit, sur trois ans, une diminution de 2,8 milliards
d’euro des prestations sociales, la suppression de 24 750
emplois publics, la baisse d’un euro du salaire horaire
minimum, le passage de la TVA de 21 à 23 % ! Une telle
politique ne peut qu'aggraver la récession en Irlande, comme
en Grèce, au Portugal ou dans toute l'Europe
Après
l'Irlande, l'Espagne, le Portugal...
L'attaque
spéculative sur la dette irlandaise a pris la forme d’une
hausse importante des taux d’intérêt exigés pour les
emprunts d'Etat à 10 ans, qui ont atteint 9 %, plus de trois
fois ceux demandés à l'Allemagne.
On
nous explique que cette exigence des « marchés » viendrait
de « l’inquiétude » qui les aurait saisi à l’idée qu’ils ne
pourraient peut-être pas, du fait de l’ampleur de la dette
publique irlandaise et de la situation difficile de ses plus
grandes banques, récupérer leur mise, dûment augmentés des
intérêts… Qu’au-delà de l’Irlande, l’Union européenne, sa
monnaie, sa stabilité, sont menacées… Et donc qu’en toute
logique, l’Union européenne, la BCE et le FMI n’avaient pas
d’autre solution que d’y répondre par un cadeau de 40
milliards aux banques pour les débarrasser de leur propre
dette, et 48 milliards supplémentaires pour les débarrasser
des titres suspects de la dette publique…
Un
article d'Alternatives économiques intitulé « Les
dessous de la crise irlandaise »
propose une explication à ce qui a pu déclencher cette
nouvelle offensive, plusieurs mois après celle qui avait
frappé la Grèce. Elle se trouverait dans la décision prise
récemment par l'Union européenne d'imposer une
restructuration d'une partie de la dette d’un pays au cas où
sa situation demanderait l'intervention du Fonds européen.
Autrement dit de demander aux banques d’assumer une partie
des conséquences de leur politique de pillage en ne les
débarrassant que d’une partie des titres pourris qu’elles
détiendraient… Dans quelle proportion, nul ne le sait, et
cette décision des gouvernements de l’Union européenne, dont
la mise en œuvre à été repoussée à 2013, a pour une bonne
part pour fonction de tenter de donner le change à des
populations qui n’acceptent plus de payer une facture de
plus en plus lourde alors que des centaines de milliards
sont distribués par les États aux financiers responsables de
la situation et qui sont dédouanés de tout. Comme le dit
Merkel, confrontée à des échéances électorales qui
s’annoncent difficiles, les citoyens ne comprendraient
pas qu'on ne fasse pas supporter une partie du risque
aux créanciers privés… Pas sûr que les « citoyens » s’y
laissent prendre !
Il
est possible que cette décision de l’Union européenne ait
constitué le facteur déclenchant de l’offensive sur la dette
irlandaise. Mais cela n’explique pas comment cette offensive
a pu se développer, dans un effet boule de neige qui a
conduit le gouvernement irlandais à demander
« l’activation » du Fonds européen de stabilisation
financière. On nous présente certes les « marchés » comme
des puissances occultes et incontrôlables, des divinités
toutes puissantes et imprévisibles, sujettes à des
« inquiétudes » porteuses de conséquences désastreuses et
auxquelles on ne pourrait échapper qu’en les « rassurant » à
coup de centaines de milliards…
C’est
de la poudre aux yeux, destinée à masquer une réalité
parfaitement terre à terre. Ces « marchés » n’ont rien de
surnaturel et sont constitués pour l’essentiel de grandes
institutions financières parfaitement définies et
identifiables : banques, compagnies d’assurances, fonds de
placement… La dette publique est pour elles une façon de
capter toute une partie des richesses produites, collectées
par les États à travers les impôts et les taxes qui frappent
les populations. Il s’agit d’un mécanisme essentiel
d’appropriation du travail humain par l’oligarchie
financière, avec la complicité active des gouvernements.
Il
arrive un moment où la charge de la dette dépasse les
ressources des États ; de nouveaux emprunts servent alors à
financer le remboursement des précédents, aggravant d’autant
plus l’endettement que les prêteurs en prennent prétexte
pour imposer des taux d’intérêts toujours plus élevés… Qu’à
cela ne tienne ! Des dispositifs comme le Fonds européen de
stabilisation financière sont justement là pour faire face à
la situation : les titres de dette sans valeur sont rachetés
aux banques par le Fonds… qui est alimenté par les États
avec de l’argent emprunté à ces mêmes banques. Ce tour de
passe-passe n’a pas d’autre fonction que de maintenir en
état de marche la machine à drainer les richesses des poches
des contribuables dans les coffres des banques…, tout en
servant de justification, sous couvert de lutter contre les
déficits publics, à des plans d’austérité insupportables.
L'auteur
de l'article cité conclut en estimant que « la
perspective de voir l'Europe enfin dotée d'un dispositif
de solidarité budgétaire pérenne acceptable par tous les
États européens vaut bien cependant les quelques dizaines
de milliards d'euros qu'il va falloir verser, à fonds sans
doute en bonne partie perdu, à l'Etat irlandais »… !
Ce
« dispositif de solidarité budgétaire » est en
l’occurrence une « solidarité budgétaire » de classe,
au profit des banquiers et au frais des populations ! Et ces
« dizaines de milliards d'euros » seront d'autant
plus versés à fonds perdu qu'un tel « dispositif » ne
peut en aucun cas apporter la moindre issue à la crise.
Le
yoyo de l'euro, guerre des monnaies, la concurrence
exacerbée
La
crise de la dette relance la question de l'euro, monnaie
sans État qui fluctue au gré des difficultés que rencontre
la grande bourgeoisie européenne dans un monde soumis à une
concurrence exacerbée par une crise qui perdure, voire
s'approfondit. L’Europe des patrons est malade de ses
divisions internes, de son incapacité à dépasser les
conflits d’intérêts qui opposent les diverses bourgeoisies
nationales. Les plans d’austérité à répétition, à travers
lesquels les gouvernements cherchent à extorquer de quoi
entretenir les profits des banquiers, diminuent d’autant la
demande solvable intérieure et s’opposent à toute
perspective de reprise économique. Sur le plan du commerce
international, les exportations de marchandises produites
dans la zone euro pâtissent de la « guerre des monnaies » à
travers laquelle certains pays, comme les États-unis, en
poussant leur monnaie à la baisse, favorisent leurs propres
entreprises, et entraînent par ricochet l'euro à la hausse.
Cette
tendance s’est brutalement inversée depuis le début de la
crise en Irlande. L’éventualité d’un risque, plus ou moins
réel, que ferait courir la reprise de la crise de la dette
publique sur la stabilité de la zone euro et sa monnaie, a
incité une partie des spéculateurs qui jouent sur les
« marchés des changes » à vendre de l’euro en échange
d’autres devises, comme le dollar. L’euro s’est alors mis à
« dégringoler », à contre-pied de la politique de dumping
monétaire d’Obama et de Bernanke, patron de la FED, qui
expliquaient récemment que « la meilleure façon d'avoir
des fondamentaux économiques forts qui soutiennent le
dollar, et qui aident à un rétablissement global, passe
par des politiques qui aident au redémarrage d'une
croissance robuste dans un contexte de stabilité des prix
aux États-unis »...
Mais
cela n’est apparemment pas si simple… Car selon les
prévisions annoncées cette semaine par l’OCDE sur les
perspectives de reprise de l’économie mondiale, comme celles
de la FED elle-même pour les États-unis, l’horizon
économique est loin de se dégager… En témoignent ces
quelques « risques » pointés par le rapport de l’OCDE : « risque
pour la croissance que constituerait un nouveau recul de
l'immobilier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni en raison de
son impact négatif potentiel sur la consommation des
ménages…. inquiétudes persistantes quant à la
soutenabilité des dettes publiques de certains pays qui,
si elles s'accentuaient, pourraient perturber les marchés
financiers et la confiance… possibilité d'un retournement
brutal des rendements des obligations souveraines,
incertitudes sur les banques et la disponibilité du
crédit, effets adverses d'afflux de capitaux importants
dans les pays émergents, actions protectionnistes que
pourraient entraîner les récentes interventions de
politique monétaire… déséquilibres mondiaux qui ont dans
certains cas recommencé à s'accentuer [suscitant] des
craintes croissantes qu'ils puissent menacer la reprise ».
Une
perspective de stagnation économique, de chômage en hausse,
dans laquelle les profits, dopés par la politique de soutien
des Etats, continuent de grossir les capitaux en quête de
placements juteux, préparant de nouveaux effondrements
financiers…
…
et, en corollaire, un redoublement des mauvais coups pour
les travailleurs et les populations.
Vive
la grève générale des travailleurs portugais, la
mobilisation de ceux de Dublin !
Mais
un peu partout, les travailleurs, les populations se
dressent contre les plans d'austérité. Samedi 27, à Dublin,
une manifestation nationale est organisée contre le plan du
gouvernement.Mercredi
24, les travailleurs portugais étaient en grève générale
pour dire leur refus des mesures que le gouvernement
« socialiste » tente de leur imposer.
Les
travailleurs irlandais et portugais entrent à leur tour dans
l'affrontement avec un pouvoir qui apparaît de plus en plus
clairement au service des plus riches, des banques, d'une
aristocratie financière européenne qui prétend, comme à
l'ensemble des populations européennes, leur faire payer une
crise qui n'en finit pas de s'aggraver.
La
crise de la dette révèle ainsi le véritable rôle des États,
leur masque trompeur d’arbitre entre les classes tombe.
Comme tombent les masques des partis politiques, de droite
ou de gauche, au pouvoir ou postulant à y être, qui
s’entendent comme larrons en foire pour imposer aux
populations misère, chômage, régression sociale.
La
crise n'est pas une fatalité, mais la conséquence d'une
politique, celle de la classe capitaliste. Il y a une
réponse, une solution, la mobilisation des travailleurs, des
populations pour refuser, collectivement, de faire les frais
de la crise, mais aussi imposer leur dû, un emploi stable,
des salaires décents, les protections sociales qui nous sont
indispensables. Arracher ces concessions aux classes
dominantes et au pouvoir politique qui les représente
nécessite un bouleversement démocratique, révolutionnaire
profond, la mise en place à travers les mobilisations
sociales et politiques qui naissent de l'approfondissement
de la crise d'un gouvernement issu de ces mobilisations,
placé sous contrôle de la population.
Seul
un tel gouvernement sera en mesure de mettre fin, en prenant
le contrôle du système financier, en expropriant les
responsables, à la mise en coupe réglée de l'ensemble des
richesses produites par l'humanité par une poignée de
parasites financiers.
Daniel Minvielle