2011, prendre nos affaires en main
Les
marchands d’illusions du monde politique se succèdent à
l’occasion du rite des vœux pour nous souhaiter une bonne
année 2011, année 2011 qui n’en serait que meilleure si nous
leur faisons confiance, si nous nous laissons endormir par
leur boniment, leur paternalisme...
La
palme revient sans aucun doute à Sarkozy, fonction oblige.
La façon dont il a tenté, dans ses vœux du 31 décembre,
d’effacer en quelques mots le puissant mouvement qui s’est
opposé à sa loi sur les retraites résume son cynisme : « Ce sont les pensions de nos aînés
qui ont été sauvées et pour la première fois, la France
a pu affronter une réforme capitale sans violence et
sans blocage grâce au service
minimum
qui a bien fonctionné et à l'esprit de responsabilité des
Français qui savaient bien que ce rendez-vous pour
douloureux qu'il fut était inéluctable. Je veux rendre
hommage à leur maturité et à leur intelligence collective.
»
Quelle hypocrisie, quel culot que ce cynique hommage, ces
remerciements, cette fausse compassion. Leçon politique
aussi que cet acharnement à nier la dignité des millions de
femmes et d’hommes, de jeunes qui se sont dressés contre une
politique injuste, révoltante, qui dilapide les richesses
qu'eux-mêmes produisent.
Et
comment ne pas lire entre les lignes de cet hommage aux «
Français » l’hommage du pouvoir aux dirigeants syndicaux ou
politiques de la gauche libérale qui ont, en permanence,
situé leur propre politique dans le cadre de l’acceptation
du principe de la réforme, en justifiant les mensonges du
pouvoir sur l’inéluctable réforme pour tenter vainement de
la négocier à la marge.
Dominés
politiquement, les directions des grandes confédérations
sont incapables de se dégager de la logique des classes
dominantes, du cadre imposé du prétendu dialogue social pour
lui opposer une autre logique, celle des opprimés, des
classes exploitées.
Nous
retiendrons de 2010 la joie et l’enthousiasme des
manifestations, de la grève, de la dignité et la fierté de
la lutte, la richesse de la solidarité, la force de la
classe ouvrière, tout ce que le pouvoir voudrait nier,
effacer, faire oublier, les acquis du mouvement, de la
mobilisation. Nos vœux pour 2011, c'est-à-dire nos objectifs
politiques, seront de les faire vivre au mieux de nos
possibilités, de les capitaliser sans subir les contrecoups
de la défaite, la résignation et ses effets délétères. Cet
objectif définit des tâches bien pratiques et concrètes.
Il
s’agit de discuter sur les lieux de travail, dans les
organisations syndicales, dans les quartiers, autour de
nous, des causes et raisons de la défaite, de la force du
mouvement, de ses faiblesses et des moyens de les surmonter.
Sur le fond, ces faiblesses, ce sont le manque de confiance
des travailleurs en eux-mêmes et dans leurs organisations,
la cause, la dépendance de la gauche syndicale et politique
du libéralisme, de l’ordre établi et de ses institutions,
son intégration au système, la réponse, redonner aux
organisations ouvrières et populaires toute leur
indépendance de classe, les moyens, se donner un parti des
travailleurs, anticapitaliste et révolutionnaire, qui
partout, sur tous les terrains, vise à organiser, regrouper
les travailleurs et les classes populaires pour la défense
de leurs propres intérêts. Cela implique une totale
indépendance du système et de ses institutions pour défendre
une politique, une orientation, un programme pour la
transformation révolutionnaire de la société. La tâche est
immense, elle peut sembler au dessus de nos forces mais il
n’y a pas d’autre voie et le mouvement n’a-t-il pas été la
démonstration des capacités d’initiative des travailleurs,
des jeunes, des militantes et militants ?
2011
ne sera pas une bonne année, elle sera difficile, dure sur
tous les plans. Elle verra s’accentuer les effets
destructeurs de la politique des classes dominantes et de
leurs Etats privatisés par leur dépendance financière
vis-à-vis des banques et des intérêts privés qu’ils
représentent pendant que les partis institutionnels
exerceront leur pression pour tenter de nous convaincre
qu’en votant bien en 2012 tout pourrait sinon se résoudre au
moins s’améliorer.
Face
à la faillite de la classe capitaliste, les réponses ne sont
pas au fond des urnes mais bien au cœur du monde du travail,
de ses mobilisations, de son organisation pour agir
politiquement, défendre ses droits, de son « intelligence
collective », de la perspective historique dont il
est porteur, le socialisme.
Faire
vivre les acquis du mouvement de l’automne, c’est travailler
à unir, regrouper celles et ceux qui ensemble, en dégagent
les mêmes enseignements. La mémoire vivante du mouvement
comme des combats passés, de leurs enseignements ne peut se
perpétuer qu’à travers des liens humains, militants,
démocratiques. La mémoire n’est pas une notion
abstraite mais une fonction qui exige des structures, des
relations humaines, sociales, dynamiques. Ces structures,
ces relations, ce sont le parti que nous voulons construire,
le défi que les militantes et les militants du NPA ont
décidé, ensemble, de relever.
Ce
parti est par nature ouvert, un parti de masse. Cela ne veut
pas dire un parti à
l’image de la société comme certains se sont plu à le prêter
au NPA mais bien un parti pour la transformation
révolutionnaire de la société qui rompt dès aujourd’hui avec
la société bourgeoise et les mœurs des partis
institutionnels, un parti qui ne craint aucun débat, fait
vivre la plus large démocratie tout en nourrissant en son
sein une morale, une opinion publique fondées sur la
solidarité.
Un
parti de masse démocratique et révolutionnaire ne saurait
plier devant les préjugés conséquence de l’oppression, il
s’approprie et défend les connaissances modernes, défend et
s’approprie le matérialisme évolutionniste et combat toutes
les idéologies, la morale, qui engendrent la soumission,
justifient l’oppression dont, en premier lieu, les
religions. La renaissance du marxisme n’est-ce pas
l’appropriation des progrès des conceptions matérialistes et
évolutionnistes mises au service des luttes d’émancipation ?
Nos
vœux pour 2011 vont à toutes celles et ceux qui résistent et
qui luttent pour qu’ensemble nous construisions des liens
nouveaux de solidarité, d’engagements réciproques, riches de
nos débats, de nos confrontations pour que les acquis du
mouvement de l’automne ouvrent de nouvelles perspectives
pour l’ensemble du monde du travail.
Yvan Lemaitre