Un premier sursaut
Au lendemain de la conférence
nationale du NPA qui a désigné Philippe Poutou candidat à la
présidentielle, il ne manque pas de voix pour décrire la
fracture du NPA, son prétendu repli sectaire, ses tensions
internes, la chute des effectifs…, en bref, un parti au bord
de la scission. Derrière bien de ces commentaires, leur
ironie à l’égard de l’ouvrier inconnu ou l’ouvriérisme
sectaire du NPA, se profilent des préjugés, voire un mépris
social à peine dissimulé pour la classe ouvrière.
Nous assumons pleinement nos
débats, nos tensions, l’âpreté des discussions, ils sont
indispensables à l’émergence d’une cohésion politique, aussi
paradoxal que cela puisse paraître, à condition que les
rivalités d'influence, que la discussion politique garde son
caractère démocratique et respectueux, que la solidarité qui
unit celles et ceux qui ont conscience de mener un même
combat s’impose à tous.
Construire un nouveau parti, créer
une cohérence politique ne se décrètent pas, cela passe par
des crises, des moments de confrontation inévitables. Nos
difficultés sont bien réelles, elles tiennent pour une part
à l'ambition de notre projet lui-même, celui de regrouper
des histoires différentes, de les réunir, et notre capacité
à surmonter ces difficultés, à relancer une nouvelle
dynamique dépend de nos ressources démocratiques. Ces
difficultés renvoient aussi au contexte social et politique.
Comme toutes les forces du mouvement social nous sommes
confrontés à une offensive extrêmement brutale des banques
et de l'Etat, offensive sociale, politique et idéologique.
Aucune force militante n’échappe à une morosité qui domine
au sein du monde du travail. L'échec du mouvement contre la
réforme des retraites pèse lourd, bon nombre de travailleurs
sont désabusés, doutent de l'efficacité de la lutte, ont le
sentiment d'être dépassés par l’offensive tant politique que
sociale des forces réactionnaires.
Retrouver la confiance suppose qu'à
partir des bilans, des discussions au sein des organisations
syndicales, des associations, avec les travailleurs et les
jeunes se dégage une nouvelle conscience politique fondée
sur la conviction que seule l'intervention directe du monde
du travail sur le terrain social et politique est à même
d'enrayer l'offensive des capitalistes et d’offrir une autre
perspective pour toute la société. Le NPA veut être au cœur
de ces discussions et de cela, chacune et chacun en
conviennent d'autant que nos idées rencontrent une large
sympathie.
Nos divergences si on les discute
concrètement hors des procès d'intention, des
interprétations ou des dramatisations devraient être, quant
au fond, compatibles avec une volonté commune de porter la
campagne du NPA autour de Philippe Poutou. La grande
majorité des militantEs du NPA sont convaincus que notre
parti doit être présent sous ses propres banderoles dans les
prochaines échéances électorales. Le débat tel qu'il se
formule par-delà les exagérations polémiques porte sur ce
qu'il faudra faire ou ce qu'il serait possible de faire
après les élections. Les uns pensent qu'il faudrait dès
maintenant préparer un regroupement de toutes les forces qui
préserveront leur indépendance vis à vis d'un éventuel
gouvernement de la gauche libérale. Les autres pensent que
cette question n'est pas à l'ordre du jour, qu'elle dépend
du programme et des rapports de forces tout en voulant être
présent dans les batailles politiques à venir pour
contribuer à ce regroupement sur la base d'un programme
anticapitaliste posant la question d'un gouvernement des
travailleurs.
Il devrait être facile au stade
actuel, sans trancher ce débat, de nous regrouper pour
porter ensemble, aujourd'hui, une candidature de
regroupement anticapitaliste tout en menant ou plutôt pour
mener publiquement le débat avec les autres forces que ce
soit le Front de gauche, Lutte ouvrière ou toutes et tous
les militantEs, les travailleurs, les jeunes qui se posent
cette question. C'est la seule façon de défendre ensemble
notre programme, nos réponses face à la crise.
Malheureusement, la logique des
batailles internes, les habitudes de luttes fractionnelles
dénaturent le débat, tendent à le dramatiser, à créer des
clivages souvent artificiels ou sans base politiques
solides. Et, en réalité, une des tâches immédiates est de ne
pas céder à cette logique désorganisatrice, voire
destructrice, pour redonner toute sa place au débat
démocratique entre anticapitalistes. Comment pouvoir
prétendre rassembler les anticapitalistes sans avoir pour
première préoccupation de rassembler notre propre parti ?
Redonner sa place au débat
démocratique suppose œuvrer à construire des rapports de
solidarité, de confiance au sein de notre parti. Cela est de
la responsabilité de toutes et tous. Cette volonté se
vérifiera par un test simple, notre capacité à mobiliser
l'ensemble du parti pour permettre à notre candidat de
devenir un réel candidat en surmontant l'obstacle des 500
parrainages. Cela exige la mobilisation de toutes et tous,
chacune et chacun en fonction de ses possibilités, mais
toutes et tous unis pour nous donner les moyens de faire
entendre la voix des travailleurs, des chômeurs, des
précaires, des jeunes, de toutes celles et ceux qui sont
victimes de la politique des classes dominantes.
Réussir passe par une véritable
révolution culturelle, sortir des raisonnements de tendance,
de fraction, de petits groupes pour penser, discuter et agir
ensemble en fonction de nos responsabilités collectives, en
parti. Cela ne veut pas dire taire nos désaccords mais les
gérer dans le cadre de ce qui nous réunit à travers le
projet même du NPA.
Nous avons un socle qui nous unit,
le refus de payer les frais de la crise, de la dictature des
banques, l'exigence d'une démocratie réelle, maintenant
comme le disent les Indignés de la Puerta del Sol, la
volonté de changer de société. Il serait non seulement
irresponsable mais stupide de croire qu'un échec du NPA
renforcerait qui que ce soit si ce n'est ceux qui combattent
notre projet.
Une nouvelle phase de construction
commence à travers laquelle nous tisserons de solides liens
avec les travailleurs et la jeunesse. Cette nouvelle phase
sera une phase de refondation du NPA. La réussir suppose
d'être capable de faire vivre une démocratie dynamique pour
nous donner les moyens de porter le débat publiquement
devant l'ensemble du monde du travail, sur le terrain
politique des élections. Il n'y a pas d'autre voie pour
surmonter nos difficultés, contribuer à l'organisation et à
la mobilisation de toutes celles et ceux qui refusent de
payer les frais de leur crise, donner force et dynamisme à
notre projet.
Yvan
Lemaitre