A la population, au monde du travail de décider. Nous ne paierons pas leur dette !
L’offensive
s’accélère pour faire payer la dette aux classes populaires
alors que la crise s’approfondit brutalement, que les Bourses
s’affolent, que les pauvres sont plus nombreux et plus
pauvres... et que les profits du Cac 40 affichent 10 % de
mieux que l’an dernier : sur 6 mois, 46 milliards d’euros de
bénéfices issus du travail d’hommes et de femmes ici et de par
le monde, partout où les capitalistes français font suer des
richesses à ceux qu’ils exploitent.
Mais
Fillon a planté le décor au campus UMP concluant, à propos de
la crise de la dette, « c’est la douloureuse rançon que doit
désormais rembourser la vieille et belle société européenne,
qui n’a pas trouvé le courage d’ajuster ses mœurs à la réalité
de ses richesses »… « Il est de notre devoir à tous de mesurer
les limites de nos droits, de lutter contre nos excès, nos
abus », les Français ne peuvent réclamer « toujours plus
d'agents publics et plus de droits » ! A l’université du
Medef, les patrons ont une nouvelle fois demandé au
gouvernement « de l’air dans le droit du travail, le droit
social », « enlever toutes les contraintes mesquines qui sont
des attaques à la liberté, faciliter la vie des entreprises
beaucoup plus qu’aujourd’hui encore, arrêter la spirale de la
taxation incessante »… Quant à Dassault, patron du groupe et
sénateur UMP, il tempête contre toute taxe sur les riches :
« C’est nul et idiot. On ferait mieux de supprimer la prime
pour l'emploi, on économiserait beaucoup plus d'argent ! »…
Morceaux choisis de cynisme et d’arrogance.
Dépassés
par les conséquences de leur propre politique qui conduit à un
effondrement économique sans précédent, pratiquant la méthode
Coué telle Parisot répétant que « tout ne va pas si mal »
(l’université du Medef était sous le signe « plus forts après
la crise »…), les classes possédantes ont un programme, une
politique : faire payer les populations, drainer l’ensemble
des richesses, réduire à néant le prétendu « Etat providence »
(!). Cela quelles qu’en soient les conséquences, alors même
que cela ne peut qu’amplifier et accélérer la dégradation de
la situation.
Le
seul frein à cette fuite en avant aveugle qui conduit la
société droit dans le mur, c’est leur peur des révoltes
sociales, des exploités, des aspirations sociales et
démocratiques, la vague de contestations et de révolutions qui
secoue les peuples et les opprimés d’un continent à l’autre.
Faire payer la
population pour alimenter la fuite en avant de la
finance
Comble
de cynisme, pour mieux sauver leur peau et nous faire les
poches, certains grands patrons se sont payé le luxe de
tribunes dans la presse pour expliquer qu’ils étaient prêts à
payer… un peu. Ainsi, Lévy, PDG de Publicis, 5ème patron le
mieux payé de France avec 3,6 millions annuels et à la tête
d’une fortune personnelle de 108 millions... Mais attention,
pas à n’importe quelles conditions !
Charles
Beigbeder, président de la commission Entreprenariat du
Medef et Secrétaire national « à la pédagogie de la réforme »
de l'UMP (sic !) a précisé : « Chacun devra faire un effort et
cela se traduira par des sacrifices douloureux. Dans ce cadre,
mais dans ce cadre seulement, c'est-à-dire si et seulement si
l'on s'attaque aux gaspillages et fraudes innombrables, si
l'on s'efforce par exemple d'aligner le coût d'une journée
d'hôpital public sur celui du privé (-25%) ou le coût annuel
d'un élève au sein de l'école publique sur celui du secteur
prive (-30 à 40%), alors oui, pourquoi pas une taxe de plus
sur les hauts revenus ». Et pour que ce soit plus pédagogique
sans doute, il précise : « Il faut donc tout faire pour
supprimer toutes les exemptions de taux normal de TVA, tout en
le portant à 25%, ce qui générerait des recettes
additionnelles considérables »…
Histoire
de préparer le vote au Parlement des mesures d’austérité... et
la suite. Pas moins de 2200 amendements ont été déposés, tant
par les députés de la majorité que de l’opposition. Le
suspense était insoutenable pour savoir qui gagnerait de
Raffarin qui refusait la hausse de la TVA sur les parcs à
thèmes ou d’Estrosi combattant lui la taxation des hôtels de
luxe, chacun à la tête des intérêts de son clan. Tout cela
tient du gag, comme la dernière sortie d’Accoyer et de
Larcher, présidents UMP de l’Assemblée et du Sénat, tous deux
soudainement favorables à une taxation (exceptionnelle) des
hauts revenus à partir de 250 000 euros au lieu des 500 000
fixés par le gouvernement ! De quoi faire ironiser Copé sur
les accents de « gauche » de ses amis… et Fillon d’appeler à
ne pas « accréditer l'illusion que la taxation des grandes
entreprises et des plus riches nous dispensera d'un effort
général ». Quant au PS en pleine primaires, il a peu de choses
à ajouter, le concours y est ouvert pour savoir qui sera le
plus responsable et « équitable » pour assainir les finances
publiques. Comme dirait Valls, « l’heure n’est plus à changer
la vie ».
Mais
derrière le ridicule des postures des uns et des autres, la
politique d’austérité qui s’accentue en France comme dans le
reste de l’Europe, quelle que soit la couleur des
gouvernements, frappe de plein fouet les plus démunis, les
plus pauvres et une part de plus en plus grande de la
population. Cette politique est non seulement insupportable
pour les peuples mais elle est le plus court chemin vers le
pire. En étranglant un peu plus la consommation des classes
populaires elle accentue les risques de récession, conséquence
de la course à la compétitivité, aux profits, alors que les
masses de capitaux avides de faire de nouveaux profits ne
cessent de gonfler. Cette bulle financière en constante
expansion dévore l’économie, la production. A plus ou moins
court terme, elle explosera si des mesures d’urgence ne sont
pas prises pour éviter que ce ne soient les populations qui
payent le prix de la catastrophe financière annoncée.
« Concertation
sociale » contre « guerre de classe » ?
Face
aux « plans de sauvetage » pour « rassurer les marchés » qui
ne font qu’alimenter la fuite en avant de la finance, face aux
exigences, au culot, à la soif aveugle des classes dominantes,
la seule issue passe par l’intervention des classes
populaires, du plus grand nombre, pour refuser de payer leur
crise et leurs dettes !
Mais
la réaction des syndicats en cette rentrée est bien en-deçà de
l’offensive à laquelle nous avons à faire face. L’annonce de
l’accord à minima autour d’une journée de mobilisation
intersyndicale le 11 octobre, sans mot d’ordre clair, sans
plan d’attaque, sans même à ce jour d’appel à la grève,
apparaît sans autre perspective que celle que les équipes
militantes lui donneront à la base. Et ce choix du 11 octobre
alors que le 27 septembre prochain les enseignants publics et
privés sont appelés à la grève contre les attaques majeures
dans l’Education, ne fait que souligner l’absence de volonté
de faire converger les luttes.
Mais
plus que le timing, c’est le fond de la politique menée par
les syndicats qui pose problème. Le 18 août, dans une
déclaration commune, CFDT, CGT, FSU, Solidaires et UNSA
écrivaient : « L’intersyndicale, réunie ce jour, demande la
tenue d’une véritable concertation sociale avec le
gouvernement et le patronat pour examiner les mesures à
prendre pour soutenir la croissance, soutenir l’emploi et
réduire la dette tout en garantissant la cohésion sociale ».
Façon élégante de demander à être consulté sur la dose de la
potion à faire avaler aux travailleurs, même si le même texte
estimait bon de mentionner plus bas
« l’indispensable intervention des salariés». Une offre de
services que Fillon a partiellement acceptée… tout en montrant
qui est le chef… il s’est ainsi payé le luxe de proposer des
entretiens téléphoniques aux dirigeants des centrales
syndicales et de ne les recevoir individuellement qu’une fois
le plan de rigueur annoncé. Annonces que la CFDT a trouvées
« inéquitables », l’UNSA regrettant qu’il n’y ait pas plus
« d'équité dans la répartition des efforts ». Quant au
secrétaire général de FO (par ailleurs présent à l’Université
du Medef), il a salué sans rire le « très léger rééquilibrage
de la fiscalité entre capital et travail » !
Il y
a quelques années, le milliardaire américain Warren Buffet
(remis ces dernières semaines à l’honneur par les déclarations
de quelques patrons français) écrivait « Tout va très bien
pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi
prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui
est en train de gagner »… Une guerre que les directions des
confédérations syndicales semblent bien peu prêtes à mener.
Leur
politique, la théorisation par la CFDT que la grève « n’est
absolument pas la bonne voie » vu « la situation très
difficile du pouvoir d’achat et les inquiétudes des salariés
pour leur emploi », aide bien peu les révoltes à s’exprimer et
à s’organiser. Il n’en fallait pas plus au journal Les Echos
pour écrire au lendemain de l’intersyndicale : « Le climat
social est plus à la morosité qu'à la colère et, à l'approche
de la présidentielle, les salariés sont enclins à attendre
pour s'en remettre aux urnes plutôt qu'à la rue ». Regard pour
le moins rapide et superficiel…
Car
si chacun mesure que le poids de la crise et des récentes
défaites, la paralysie des syndicats pèsent sur le moral des
salariés, la révolte et la colère sont profondes face aux
injustices, aux attaques quotidiennes, à une vie de plus en
plus difficile. La crise économique, sociale et politique
transforme les consciences en profondeur. L’actualité est
pleine des échos des indignés espagnols, des journées de grève
générale au Chili ou en Italie, des manifestations historiques
en Israël, de la révolte de la jeunesse anglaise qui refuse
d’être sacrifiée et des révolutions autour de la
méditerranée... Autant de contestations, de colères exprimées,
d’exigences affirmées, qui renforcent et nourrissent par delà
les frontières la légitimité de la révolte, la volonté de dire
non, d’opposer la démocratie de la lutte, des peuples, des
travailleurs à la dictature des financiers.
Ce
qui se produit est difficile à mesurer mais c’est
incontestablement profond et nouveau, relayé, diffusé par
mille canaux à la vitesse d’internet, des réseaux sociaux,
rebondissant sur les paraboles et s’imprimant dans les
consciences de millions de jeunes salariés, chômeurs,
étudiants, et moins jeunes... avec l’aspiration à être acteur
des bouleversements en cours, de participer à la contestation
d’une société qui exclut le plus grand nombre et court à la
faillite.
L’exigence sociale et
démocratique
Alors
il est clair que l’heure n’est pas à discuter avec le
gouvernement mais à faire entendre les exigences du monde du
travail, des classes populaires. Il est nécessaire que
s’affirme dans les syndicats, les entreprises, les quartiers,
un courant regroupant tous ceux qui refusent le chantage, les
mensonges. Face à l’illégitimité des banques, du grand
patronat, de leurs gouvernements, il nous faut affirmer notre
légitimité, celle du plus grand nombre. C’est à nous, à la
population de décider !
Ce
n’est pas un « plan de sauvetage » des banques qu’il faut mais
bien un plan de défense de la population et il appartient aux
travailleurs, aux jeunes, aux habitants des quartiers d’en
débattre, de se « concerter » et de décider des mesures
d’urgence à prendre pour défendre leurs conditions de vie et
de travail face aux banques, au patronat et à l’Etat.
Nous
refusons leur règle d’or des profits et leurs plans
d’austérité. Nous refusons de payer pour les banques, pour les
profits du Cac 40, pour que les cours des actions de la
Société générale ou du Crédit agricole reprennent des couleurs
tandis qu’on ferme des écoles, des hôpitaux, que la Sécu est
mise en pièces, qu’on jette des travailleurs à la rue et que
le chômage explose.
Une
personne sur deux n’a pas pu partir en vacances cet été.
D’après les chiffres mêmes de l’Insee, le taux de pauvreté est
passé en un an de 13 à 13,5 % : 8,2 millions de personnes
survivent en France avec moins de 954 euros par mois tous
revenus confondus. Quant aux prix, ils continuent d’exploser
tel le coût de la rentrée scolaire qui a augmenté de plus de
3 % alors que l’allocation de rentrée versée aux plus pauvres
n’a elle augmenté que de 1,5 %. Concernant les loyers, une
étude d’agents immobiliers vient de révéler qu’en 10 ans, en
tenant compte de l'inflation, les revenus des locataires ont
baissé de 2 % tandis que les loyers augmentaient de 24 % (32 %
pour les studios) ! Alors quoi de plus légitime et urgent pour
le monde du travail que d’exiger la hausse immédiate des
salaires, des pensions, des allocations ; l’interdiction
des licenciements et le partage du travail entre tous ;
l’embauche massive dans les services publics, la Santé,
l’Education nationale ; le droit pour toutes et tous à un
logement décent, à éduquer ses enfants, se soigner, se
cultiver, en un mot vivre.
Lutter
pour ces droits fondamentaux, urgents, c’est contester la
dictature de la finance et sa logique destructrice pour faire
en sorte, avant que l’ensemble de l’économie ne bascule dans
la récession, que les richesses servent à satisfaire les
besoins de la population. Cela pose le problème immédiat
d’arrêter de rembourser la dette publique et de payer ses
intérêts aux banques et aux spéculateurs.
C’est
une tout autre logique que celle de l’intersyndicale qui se
plie au chantage de la finance et au cadre de l’urgente
« maîtrise des déficits publics », allant jusqu’à demander au
gouvernement et au patronat d’« examiner » ensemble les
mesures à prendre pour « réduire la dette »… Loin de demander
des mesures d’austérité plus « justes », nous exigeons le
respect de nos droits, ceux du plus grand nombre. Et la seule
mesure équitable, légitime, urgente, c’est l’annulation de la
dette publique, le refus de payer pour les banques, avant
qu’elles n’entraînent toute l’économie dans la faillite !
Isabelle Ufferte