Discrédit des partis institutionnels, implosion du PS… Les responsabilités nouvelles des anticapitalistes et des révolutionnaires
Au moment où le patronat annonce une nouvelle étape de l’offensive pour faire payer la crise aux salariés et aux classes populaires, le discrédit des partis institutionnels qui se disputent les postes au pouvoir a rarement été aussi important. Les élections européennes viennent d’exprimer la rupture de l’électorat, en particulier des milieux populaires et des jeunes, avec ces partis qui ont monopolisé la campagne.
L’abstention
et l’effondrement du Parti socialiste sont les deux faits
les plus marquants de ce scrutin alors que le NPA, avec un
score de 4,9 % (entre 5,6 et 5,8 % dans trois régions) « s’installe
dans le paysage politique » pour reprendre
l’expression de la presse et a, de ce fait, des
responsabilités nouvelles.
Les
idées de la contestation du capitalisme, de la lutte de
classe sont des outils plus que jamais indispensables pour
préparer la riposte de tous ceux qui veulent refuser de
payer la crise dont les conséquences dramatiques vont
s’amplifier dans les prochains mois.
De
nouveaux rapports de forces politiques
Près
de 60 % des électeurs ne sont pas allés voter, 68 % des
ouvriers et des employés, 71 % des moins de 35 ans. Des
chiffres qui expriment clairement le désaveu. L’UMP au
pouvoir est ainsi devenu le parti de la majorité
minoritaire… qui n’en prétend pas moins à la légitimité
alors qu’il a réussi la prouesse de rassembler sur ses
listes moins de 11 % des inscrits !
Les
scores du Parti socialiste, eux, témoignent d’un discrédit
inédit. Il paie non seulement sa politique passée dans les
différents gouvernements de la gauche plurielle ou de
cohabitation, son absence totale de politique alternative
face à la crise (et pour cause…) mais aussi sa rupture avec
les milieux populaires. Les dirigeants du PS apparaissent
plus que jamais détachés de tous liens avec ce qui était la
base sociale du parti, uniquement préoccupés d’eux-mêmes, de
leur propre avenir, prêts à surfer sur tout ce qui se
présente, tel Manuel Valls se lâchant sur un marché à propos
du manque de « blancs, whites, blancos » dans le
centre ville de sa commune et le justifiant à la télé le
lendemain… Le même déclarait après le scrutin : « C'est
minuit moins le quart, là, avant la mort clinique du Parti
socialiste. […] Il faut changer de méthodes, de
direction, de génération, de programme, de nom […]
le mot socialiste ne veut plus rien dire ». Un cri du
cœur… Un PS qui a su fournir à Sarkozy nombre de ministres
et de conseillers de toutes sortes qui n’ont eu aucune
difficulté à se recycler, de la même manière qu’il a fourni
au FMI son directeur, toujours officiellement
« socialiste ».
L’effondrement
du PS n’a guère profité au Modem, qui a récolté les fruits
qu’il méritait… mais aux listes d’Europe écologie. Celles-là
aspiraient à ratisser large (d’Eva Joly, qui s’était
initialement engagée auprès du Modem, au libéral Cohn-Bendit
en passant par Bové…). Ce « nouveau » parti qui n’en porte
pas le nom a su occuper un espace au centre gauche avec des
têtes d’affiche un peu remuantes, voulant apparaître « pas
tout à fait dans le moule », surfant sur les bons sentiments
et attirant un électorat dispersé, hétérogène, et
probablement mouvant. « Le vert devient plus clair »
écrivait le lendemain des élections le journal Les Echos.
Il est aussi probable que ce ne soit pas une couleur grand
teint.
Dans
ce contexte, le score du NPA est une base solide, la
confirmation d’un fait politique (dans de nombreux quartiers
populaires, nos listes ont eu des scores supérieurs à 10 %).
La campagne a été l’occasion pour les militants d’affirmer
et populariser largement des positions ancrées dans notre
camp social. Notre campagne a porté les exigences des
milieux populaires, des salariés, de la jeunesse, exigences
sociales et démocratiques, internationalistes, féministes,
écologistes. Le plan d’urgence que nous avons popularisé
pose de fait la question du contrôle de la société par la
population, la question du pouvoir, de la transformation
révolutionnaire de la société.
Une
orientation toute autre que celle du Front de Gauche qui,
avec 6,05 %, a su mobiliser sa base sociale issue du PC
(même si l’électorat FG est composé à 71 % de plus de 50
ans). Mais il l’a mobilisé sur de nouveaux mirages éculés,
ceux d’une nouvelle gauche majoritaire, le nouveau Front
populaire auquel a appelé Mélenchon… Certes, ces résultats
sont à mettre au crédit de la volonté de rendre des coups
mais autour d’illusions, d’une politique qui mène à une
nouvelle impasse.
Vers
une politique pour l’unité du monde du travail pour
imposer ses droits, ou vers un « nouveau Front
populaire » ?
« Le
Front de gauche n’a pas de frontières » a répété ces
derniers jours Marie-George Buffet qui entend l’élargir « jusqu’à
ce que nous ayons une gauche majoritaire ». « Travailler
à une majorité à gauche, cela demande de rencontrer le PS »
a-t-elle expliqué en fustigeant le NPA : « quand on veut
faire bouger les choses, il ne faut pas s’enfermer dans sa
chambre avec un drap sur la tête » ! « Nous avons
la volonté de développer la réflexion avec tous les
acteurs à gauche pour approfondir les enseignements du
scrutin et la perspective de travailler ensemble » a
ajouté le n° 2 du PC, Laurent, concluant sur une rencontre
avec le PS dès la semaine prochaine…
La
campagne et ses suites donnent un contenu concret et précis
aux divergences. Les clarifications ont lieu, la logique
des politiques de chacun s’éclaire. Ce débat public est
indispensable, il nous appartient d’en prendre l’initiative.
Bien
des militants n’ont pas oublié les années 1981-2002 qui ont
vu se succéder les gouvernements « d’union de la gauche »,
de la « gauche plurielle » et ceux de cohabitation, dont
celui de Jospin sous la présidence de Chirac, dans lequel
Buffet et Mélenchon ont été ministres. Tous ont mené la
politique libérale exigée par la bourgeoisie et ont
contribué à désarmer politiquement la classe ouvrière et
nombre de ses militants. Une politique qui a fait un temps
le lit de l’extrême-droite, dans les années 80 et en 2002,
avec Le Pen au second tour... Bien mauvais souvenirs qui
n’ont pourtant pas dissipé, dans une fraction des
sympathisants PC, les illusions réformistes,
institutionnelles et au final l’espoir déraisonnable d’un
nouveau gouvernement « majoritaire à gauche ».
Face
à cela, en toute indépendance du PS, nous construisons un
parti pour aider les travailleurs, les classes populaires à
préparer les luttes, leur convergence pour imposer les
revendications du plus grand nombre, faire entendre notre
droit à la vie et poser la question du contrôle de
l’économie et de la société, et en conséquence la question
d’un gouvernement des travailleurs qui ne pourra être issu
que des mobilisations.
Loin
de la fausse démocratie institutionnelle et républicaine
chère au Front de gauche, nous défendons et cherchons à
faire vivre la démocratie ouvrière et populaire, dans les
luttes aujourd’hui, pour le pouvoir demain.
Préparer
les prochaines échéances sociales et politiques
La
campagne a permis un positionnement clair, elle a aidé à
créer une base solide autour de laquelle des milliers de
militants ont mené à large échelle une première bataille
politique commune. Elle a eu un écho important, bien au-delà
de la fraction de l’électorat qui a voté pour les listes
NPA.
C’est
cela qu’il s’agit de développer aujourd’hui alors même que
Sarkozy et Parisot amplifient l’offensive tout en peaufinant
leurs relations avec les dirigeants des confédérations
syndicales pour mieux les dominer et les paralyser. Ils leur
fixent eux-mêmes le calendrier. Sarkozy s’est ainsi payé le
luxe de convoquer Chérèque, Thibault, Blondel and Co à
l’Elysée pour leur annoncer qu’il n’y aura pas de « coup de
pouce au SMIC » le même jour où il y recevait en grande
pompe les nouveaux élus UMP…
Alors
qu’il est clair que la dernière des « grandes journées
nationales de manifestations intersyndicales » du 13
juin ne mobilisera que peu de militants, que les directions
des confédérations ont tout fait pour éviter un affrontement
auquel elles sont hostiles, il nous faut aider aux bilans,
donner confiance, encourager et aider toutes les initiatives
de convergence. Car malgré le sentiment de gâchis et
d’occasions manquées, l’impuissance ressentie par bien des
militants ne voyant pas comment déborder les directions, la
révolte s’approfondit et les initiatives de la fraction la
plus combattive ne s’arrêtent pas. En témoignent, parmi
celles qui sont médiatisées, la lutte des Goodyear, celle
des salariés de la papeterie Malaucène « retenant » leurs
patrons pour exiger l’arrêt des licenciements ou encore les
initiatives prises par les équipes militantes pour faire
converger les luttes dans le secteur automobile.
Cette
unité démocratique pour la lutte, à la base, ne pourra se
faire sans l’unité des anticapitalistes, des
révolutionnaires pour mener le combat politique, défendre
les idées de la lutte de classe, implanter et construire un
véritable parti populaire, du monde du travail et de la
jeunesse, en totale indépendance des partis institutionnels.
On ne peut que regretter que les camarades de Lutte ouvrière
ne prennent pas leur place dans ce combat qu’ils avaient eu
le mérite d’initier en 1995 avant un brusque repli en 97
dont ils paient les conséquences électorales aujourd’hui.
Plus
que jamais l’heure est à la construction de ce parti capable
de porter les intérêts politiques du monde du travail,
d’être l’expression de ceux qui ont rompu avec les illusions
institutionnelles. La situation au lendemain des européennes
est pour cela riche de nouvelles possibilités.
Isabelle Ufferte